Comme chaque semaine, nous retrouvons Olivier Costa, directeur au département d'études politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe pour sa carte blanche sur la Présidence française de l'Union européenne.
On entend monter dans la société civile des appels à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union, et le 28 février, le président Zelenskiy a évoqué une procédure d’adhésion « accélérée ». L’idée est intéressante, car l’Union est avant tout une puissance économique et civile, et pas une organisation militaire : ce ne serait pas un signe d’escalade comme le serait l’entrée du pays dans l’OTAN. Mais la procédure d’adhésion est longue est complexe.
Comment un État entre-t-il dans l’Union ?
Généralement, une candidature est précédée d’un accord d’association, qui met en place une zone de libre-échange avec l’Union : il existe depuis 2014 avec l’Ukraine. Il permet au pays de commencer à intégrer l’acquis communautaire. Formellement, la demande d’adhésion est soumise par le pays au Conseil de l’Union. Il doit remplir 3 conditions : être situé en Europe ; être une démocratie pluraliste et un État de droit ; avoir une économie de marché viable. Un quatrième critère, énoncé en 2006, est la « capacité d’intégration » : l’arrivée d’un ou plusieurs nouveaux pays ne doit pas remettre en cause l’efficacité des politiques européennes ou la capacité de l’Union à les financer. C’est la Commission qui se prononcer sur l’attribution au pays du statut de « candidat », et le Parlement européen et le Conseil doivent approuver son choix.
Une stratégie de pré-adhésion est alors mise en œuvre. Elle permet au pays de se familiariser avec les politiques et le droit de l’Union, de participer à des programmes européens et de bénéficier d’un soutien financier pour opérer les réformes politiques, économiques et administratives nécessaire.
Quelles sont les conditions formelles à respecter pour devenir effectivement membre ?
Pour cela, l’État doit respecter les critères déjà mentionnés, et intégrer l’acquis communautaire – c’est à dire l’ensemble des règles de droit et des politiques qui s’appliquent dans l’Union. La Commission évalue les progrès du pays. Quand il donne satisfaction sur tous les points, un traité d’adhésion est signé. Il est soumis pour ratification au Conseil européen, au Parlement européen, à tous les États membres et à l’État candidat. Quand tout le monde a ratifié, l’adhésion est effective.
Donc, est-il envisageable que l’Ukraine entre dans l’Union ?
C’est un processus très long, qui prendrait sans doute 10 ans, au moins 5 en faisant le maximum. Mais la simple reconnaissance du statut de « candidat » à l’Ukraine serait déjà un signe fort. Le pays remplit les conditions principales pour lancer la procédure. Le fait qu’il soit en guerre implique une désorganisation de la vie démocratique et de l’économie, mais cette décision est avant tout une question de volonté politique. Ces dernières années, nous avons vu que l’Union a pris des initiatives qui étaient considérées comme impossibles, pour gérer la pandémie et la crise économique. Pour l’Ukraine, elle l’a déjà fait en lançant un programme d’achat d’armes à son endroit. L’Union s’affirme aujourd’hui comme un acteur international de premier plan, parce que la volonté politique est là.
Comment la Présidence française du Conseil pourrait accélérer les choses ?
Emmanuel Macron a pris beaucoup d’initiatives, au titre de la PFUE, pour mobiliser les 27 sur le dossier ukrainien. Après avoir consulté ses homologues, il pourrait annoncer que la candidature de l’Ukraine est la bienvenue, puisqu’elle doit être déposée auprès du Conseil. Cela pourrait faire l’objet d’une déclaration conjointe avec la Présidente de la Commission et celui du Conseil européen. Même si ce ne serait que le début d’une longue séquence, ce serait un signe politique fort vis-à-vis du Kremlin, une manière de dire : « plus vous serez agressifs avec vos voisins, plus nous leur ouvrirons les portes de l’Union ».
Olivier Costa au micro de Cécile Dauguet