Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, QD, vous vous penchez sur les prolongements inattendus de l’irruption des voitures électriques.
De la Chine aux États-Unis, en passant par l’Europe, la promotion officielle des véhicules à motorisation électrique, couplée aux mesures dissuasives qui frappent les véhicules à moteur thermique, provoque une demande croissante auprès des constructeurs d’automobiles, ce qui entraîne à son tour un besoin urgent et massif de batteries de traction – tout cela est archi-logique et parfaitement connu.
Ce qui l’est moins, c’est que, s’agissant précisément de batteries, les efforts de recherches et d’industrialisation se sont concentrés sur une technique bien particulière, en négligeant délibérément d’autres options.
A quelle technique faites-vous allusion ?
Il n’y a guère de mystère : il s’agit des accumulateurs lithium-ion, appelés à succéder, à bord des véhicules, aux traditionnelles batteries plomb-acide.
La technique lithium-ion est connue depuis les années 1960, et a fait l’objet d’innombrables recherches et améliorations pratiques jusqu’aux premières commercialisations en 1991 et depuis cette date, jusqu’à aujourd’hui. Trois des pionniers du lithium-ion (un Britannique, un Américain, et un Japonais) ont d’ailleurs reçu le Prix Nobel de Chimie en 2019.
Tout va bien, alors ?
On pourrait le croire, en effet. A puissance égale, les batteries lithium-ion sont plus légères et se chargent plus rapidement que leurs devancières.
Mais un marché en pleine expansion et à l’échelle de la planète ne peut pas se structurer sans de sérieuses préoccupations géopolitiques.
Et c’est là que vous vouliez en venir ?
Absolument. Car une batterie lithium-ion comporte plusieurs composantes, dont évidemment le lithium lui-même. Bonne nouvelle : on en trouve un peu partout à travers le monde, dont une cinquantaine de sites d’extraction en Europe. Mauvaises nouvelles : les gisements ne sont généralement pas généreux, et – surtout – ce sont les Chinois qui se sont discrètement bâti un quasi-monopole du raffinage. Aussi préoccupant, il y a deux mois, la Chine imposait unilatéralement des restrictions à l’exportation du graphite, matière qui intervient également dans la composition des batteries au lithium-ion.
Mais toute batterie a besoin d’électrodes, et celles au lithium-ion utilisent le nickel, matière rare, et le cobalt, qui provient pour l’essentiel de la République démocratique du Congo – qui n’est pas le fournisseur le plus fiable dont on puisse rêver.
Mais comment se sortir de ce piège qui se referme ?
…tout simplement en trouvant un substitut au lithium. Petit rappel : le lithium fait partie de la famille des alcalis, tout comme son cousin, le sodium, chimiquement proche.
Or, celui-ci peut s’accommoder d’électrodes en fer et en manganèse, matières surabondantes et peu chères. Et le sodium, il y en a effectivement partout sur notre planète, en mer comme à l’intérieur des terres, et en quantités inépuisables, sans déséquilibrer les écosystèmes.
Pas d’inconvénients, par conséquent ?
Si, quand même, sinon on n’y croirait pas. D’abord, le sodium est un peu plus lourd que le lithium ; et, ensuite, les Chinois y ont cru avant tout le monde et ont donc une longueur d’avance. Les méga-usines de batteries qu’on nous promet en Europe auraient évidemment tout intérêt à se concentrer sur cette technique sodium-ion.
Et quand je vous disais que le sodium, on en trouve partout, c’est qu’il y en a même dans votre cuisine : à peu de chose près, c’est en effet du sel de table. Pour les moyens de transport comme pour le stockage des réseaux électriques à très haute tension, votre modeste salière va sauver le monde.