Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, Quentin Dickinson, vous avez dans votre viseur le football et la santé, c’est bien cela ?...
Oui, enfin, présenté comme cela, c’est un peu réducteur. Car en fait, c’est l’histoire de deux catégories de crétins.
D’abord, celle de ces meutes d’inconscients, racistes à l’insu de leur plein gré, qui hantent les tribunes des stades de football. Pour tenter – généralement en vain – de déstabiliser des joueurs noirs de l’équipe adverse, ils lancent des cris censés imiter ceux des singes. Il leur arrive aussi de gâcher de la bonne nourriture en lançant sur le terrain des régimes entiers de bananes. Vous avez compris : les Noirs seraient des singes. Belle illustration de suprématie de la race blanche, s’il en est.
Voilà pour le sport. Mais la santé, alors ?...
Dans un tout autre domaine que cette conception étriquée et perverse du sport, l’Organisation mondiale de la Santé met actuellement en garde contre les risques d’extension d’une épidémie de variole du singe, dont l’épicentre se trouve en Afrique. Sans doute cela conforte-t-il quelques-uns de nos crétins de stade, car, qui l’eût cru ? il y a des singes en Afrique.
Mais il y en a aussi en quantité en Chine et dans toute l’Asie, sans compter chez les Indiens, qui contribuent astucieusement à en réguler la population en les mangeant. On ajoutera que la variole du singe a été détectée pour la première fois en 1958 dans un zoo au Danemark.
Où voulez-vous en venir, Quentin Dickinson ?..
En bonne logique, les Africains pourraient être tentés de rendre aux Européens la monnaie de leur pièce en leur rappelant que nous avons, nous aussi, notre quota de maladies d’origine animale, souvent transmissibles à l’homme : par exemple, la peste porcine et l’encéphalopathie spongiforme bovine. Mais, dans les stades, l’on n’entend pas pour autant traiter les Bretons de cochons ni les Anglais de vaches folles.
Et donc ?...
Venons-en à l’autre catégorie de crétins. Visiblement sous l’influence des crétins de stade, ils se sont persuadés que les Africains, et les Noirs en général, pouvaient se sentir visés et vexés par l’appellation Variole du Singe – ce faisant, et sans trop s’en rendre compte, en rajoutant une louchée sur le thème-même qu’ils cherchent à éradiquer. D’où cette métamorphose instantanée, portée par l’OMS : ne dites plus Variole du Singe, dites m-pox.
M-pox, c’est vrai, ça change tout – ou peut-être pas. Disséquons ce mot : c’est tout simplement l’abréviation en langue anglaise de Monkey-Pox, c’est-à-dire… Variole du Singe. Cachez donc ce singe que je ne saurais voir. Les linguistes nous apprennent par ailleurs que pox est un mot courant qui désigne plusieurs maladies peu ragoûtantes, tels le Chickenpox (la varicelle) ou le Smallpox (la petite-vérole). Le m-pox est en bonne compagnie. On notera d’ailleurs que l’OMS ne recommande pas pour autant de substituer c-pox à Chickenpox ni s-pox à Smallpox.
Alors, je vous laisse juger qui, des fouteux vociférateurs ou des toiletteurs sanitaires du langage, sont les plus coupables.
En tout cas, ils ont en commun de marquer systématiquement des buts contre leur propre camp.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.