Et donc la Cour suprême britannique vient de déclarer illégale la tenue d’un nouveau référendum, même consultatif, sur l’indépendance de l’Écosse.
Les cinq juges, statuant à l’unanimité, n’ont pu que constater que la Loi sur l’Écosse de 1998, par laquelle le Royaume-Uni concédait (ou, plus précisément : rétrocédait) aux Écossais des pouvoirs politiques et administratifs considérables, était muette quant à toute notion de référendum, encore moins d’indépendance. Par voie de conséquence, ces éminents juristes ont donc dit pour droit qu’aucune initiative en ce sens ne peut être prise sans l’aval du gouvernement et du parlement de LONDRES.
Cette autorisation avait bien été accordée en 2014 lors du premier référendum, par lequel les Écossais, à une courte majorité, ont rejeté l’idée de l’indépendance ; cependant – et quoique ce ne fut écrit nulle part – il se disait que le résultat valait pour une génération (comprenez : au moins vingt ans).
Mais, le Brexit est venu brouiller la donne à peine deux ans après…
…oui, car les Écossais ont très majoritairement voté contre le Brexit, et les indépendantistes ont estimé que ceci, en quelque sorte, annulait le renvoi à bien plus tard d’un nouveau référendum sur leur indépendance.
Alors, joie à LONDRES et grise mine à ÉDIMBOURG ?
Cela peut étonner, mais – pas vraiment !
Les partisans du maintien de l’Écosse au sein du Royaume-Uni auraient préféré que les juges se déclarent incompétents pour traiter la question. Or, au contraire, ils ont tenu à s’en saisir, et ont clairement délimité le champ de compétence du droit, et, de ce fait, ont laissé le champ libre à toute future initiative politique, ce qui ne peut qu’encourager les indépendantistes écossais à persévérer. Pour s’en persuader, il suffisait de voir l’ampleur des manifestations qui se sont tenues dans un grand nombre de villes en Écosse, sitôt le jugement connu.
Et, justement, ces indépendantistes, que vont-ils faire maintenant ?
Leur chef de file, la Première ministre régionale Nicola STURGEON, compte bien transformer les prochaines législatives britanniques (dans deux ans – sauf surprise toujours possible Outre-Manche) en référendum-qui-ne-dit-pas-son-nom dans les circonscriptions en Écosse.
Depuis plus de dix ans, le parti de Mme STURGEON, le Parti national écossais (le SNP), aura remporté la victoire haut-la-main lors de toutes les élections, qu’elles soient au parlement de Westminster, à l’assemblée régionale, ou aux municipales. Le déni de démocratie de la part de LONDRES qu’elle ne cesse de dénoncer est donc facilement démontrable.
Ce délai peut aussi lui être favorable, car il n’est pas interdit de supposer que la pandémie et la guerre en Ukraine seront alors derrière nous, et que prévaudra un certain retour à la normalité. Et la situation économique du Royaume-Uni sera probablement toujours désastreuse, ce qui est pain béni pour Mme STURGEON et ses amis.
Mais tout-de-même, on n’imagine pas le Royaume-Uni sans l’Écosse ?
On n’imaginait pas non plus une République tchèque sans la Slovaquie, ni l’éclatement de la Yougoslavie en sept États indépendants.
Car l’Écosse a été un royaume indépendant, reconnu internationalement pendant plus de huit siècles, commerçant avec toute l’Europe du Nord et avec son alliée, la France, jusqu’à l’Acte d’Union avec le Royaume d’Angleterre en 1707. Pendant trente ans, la résistance armée s’est poursuivie, avant une défaite militaire décisive ; c’est que les querelles entre clans et le retournement de veste de plusieurs grandes familles écossaises, achetées par le Roi d’Angleterre par la promesse de terres, de titres, et d’or, ont définitivement brisé cet élan nationaliste.
Tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, LONDRES s’est employé à gommer l’identité écossaise – on parlait alors de Grande-Bretagne septentrionale – ou de la réduire à un pittoresque à-côté folklorique.
Ce qui se passe actuellement sous nos yeux est le début de l’aboutissement d’un lent combat, redoutable sans doute, précisément parce que simple dans son objectif et encore mal défini dans les modalités pratiques de celui-ci.
Alors, si ce retour à l’indépendance devait voir le jour, quelle forme prendrait celle-ci ?
Pour résumer, on peut envisager le rétablissement du Royaume d’Écosse, qui rejoindrait le Commonwealth (et, comme l’Australie ou le Canada, aurait pour chef d’État symbolique le Roi d’Angleterre). De nombreux ajustements majeurs devraient trouver une solution durable : en vrac, le statut de la frontière anglo-écossaise (dont le cas de la ville de BERWICK) ; la fermeture de la base des sous-marins de la Royal Navy, qui en constituent l’unique force de frappe nucléaire ; le choix de la monnaie ; la libre-circulation des personnes ; et la ré-adhésion à l’Union européenne.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.