Edith Le Cadre est directrice de recherche à l'institut agro. Une semaine sur deux sur euradio, elle décryptera les différents sens l'agroécologie et se demandera si cette dernière peut être une solution aux enjeux de notre époque.
Aujourd’hui Edith, vous voulez nous parler de biodiversité planifiée et associée
Oui, car l’agroécologie repose sur les espèces végétales et animales présentes gérées par une autre espèce, l’espèce humaine. Il faut imaginer comme une corde invisible qui nous relie les uns aux autres comme des composantes d’un seul écosystème, rompre les liens équivaudrait à s’exposer à gravir un glacier avec des crevasses sans cordée
Pourquoi ?
Parce qu’au sein d’un écosystème, les espèces sont responsables de son fonctionnement et des bénéfices dont nous pouvons tirer profit pour notre propre existence. C’est ce qu’on appelle les services écosystémiques
Dans un écosystème cultivé quels sont les services écosystémiques attendus ?
La productivité mais également la régulation de la qualité de l’eau et de l’air, des services culturels et récréatifs. Les agrosystèmes rendent de nombreux services si tant est que la diversité biologique est importante.
J’ai le sentiment qu’on parle d’un lien biodiversité-fonctionnement ?
Exactement. Au sein d’un agroécosystème, comme dans tout les écosystèmes les espèces interagissent entre elles de manière directe On pourrait citer la prédation comme exemple ou de manière indirecte en modifiant l’environnement Je pourrai citer le prélevement d’eau du sol dans ce cas.
Les systèmes agroécologiques fonctionnent sur la base de ces interactions qui permettent de mettre en place des processus qui agrégées donnent des fonctions qui ensuite permettent les services.
Donc les agriculteurs et agricultrices en choisissant leurs cultures et animaux peuvent augmenter la biodiversité et influencer sur le fonctionnement de l’agroécosystème?
Oui, la biodiversité choisie est aussi appelée biodiversité planifiée, car elle se planifie dans le temps et dans l’espace. Je vais prendre l’exemple des systèmes de cultures. Dans le temps c’est la succession des cultures qui correspond à l’ordre dans lequel les cultures se succèdent dans un champ alors que la répartition des cultures au sein d’une exploitation correspond est la diversification spatiale autrement dit l’assolement.
Les deux sont bien choisies et planifiée selon les objectifs des agriculteurs et agricultrices
La biodiversité associée se développe donc à partir de la biodiversité planifiée ?
Oui, c'est un effet boule de neige en quelque sorte. Si je prends l’exemple des plantes : cultiver une légumineuse fixatrice d’azote comme le pois ou une non fixatrice comme le blé ne va pas favoriser les mêmes organismes du sol à cause de la composition des tissus, de l’aspect des feuilles et des racines
Ces paramètres de la plante planifiée définissent en retour la qualité de la ressource pour les décomposeurs et les microorganismes du sol qui se nourrissent de ces plantes.
En retour ces micro-organismes et décomposeurs, modifient le fonctionnement sol lors de la décomposition de la matière organique, en lui conférant de nouvelles propriétés qui auront des impacts sur sa capacité à retenir l’eau entre deux épisodes de pluie par exemple.
On a dit en début de chronique que les espèces interagissent entre elles directement ou indirectement. Lorsque qu’on introduit plus de biodiversité, les relations écologiques sont plus complexes ainsi que les processus biologiques qui définissent le fonctionnement global de l’écosystème.
Existe-t-il d’autres avantages à augmenter la biodiversité dans les agroécosystèmes ?
Oui, face à des perturbations comme les phénomènes climatiques extrêmes, les agroecosystèmes à forte diversité seraient plus stable en résistant mieux à ces chocs et en revenant à leur fonctionnement d’origine sans perte des organismes constituant cet écosystème
La corde qui nous relie dont vous parliez
Oui, mais pas seulement, car il n’existe pas seulement les phénomènes climatiques extrêmes, mais également les chocs économiques ou la finitude de certaine ressources comme le phosphore et les énergies fossiles. Diversifier les production c’est autant disposer d’une assurance de revenu plus stable que de préserver à long terme la durabilité.
Entretien réalisé par Laurence Aubron
Photo Nicholas A. Tonelli