Chaque semaine sur euradio, Perspective Europe, l'association du master "Affaires européennes" de Sciences Po Bordeaux, revient sur l'actualité bruxelloise et européenne.
Alors quels ont été les moments forts de la semaine qui vient de s’écouler ? On en discute tout de suite avec Fédor Dupont-Nivet.
Notre association a décidé de porter un regard sur un moment historique pour l’Union qui s’est produit dans le Parlement Européen la semaine dernière. La version finale de la directive Omnibus a été approuvée par la majorité conservatrice et de droite.
Pour éclairer nos auditeurs, pourriez-vous nous rappeler le contenu de cette directive ?
Bien sûr, il serait cependant verbeux d’expliquer l’intégralité des mesures prévues par le texte. Pour résumer, c’est un ensemble de mesures qui ont l’objectif de simplifier les règles de gouvernance environnementale, sociale et de durabilité pour les entreprises.
C’est des règles qui avaient été introduites en 2022 et 2023. Parmi les mesures, il y a par exemple l’obligation d’avoir une stratégie pour la décarbonation. Les entreprises doivent publier des rapports sur leurs émissions de gaz à effets de serre, leur gestion des déchets, consommation d'énergie, mais également leurs données sociales et de gouvernance. Une autre mesure est un devoir de vigilance prononcé pour les entreprises. Il y a eu notamment l’obligation de rendre des comptes sur les conditions de travail chez les partenaires commerciaux. Le règlement adopté a été très vaste, ce qui a provoqué à ce que beaucoup d’acteurs s’impliquent dans les débats. De nombreuses ONG ont salué l’ambition en termes de politique des droits de l’homme. De nombreux acteurs ont désormais exprimé leur mécontentement.
Pourtant, cela semble logique que les règles soient plus strictes avec l’accélération de la crise écologique. Sur quelles bases se fondait ce mécontentement ?
Les organisations patronales, telles que le Medef ou Business Europe, ont alerté sur la menace que les mesures représentent sur la compétitivité des entreprises européennes au niveau européen. Mais nous pouvons surtout constater que les représentants d’entreprises moyennes ont été particulièrement bruyants. L’obligation de publier des rapports sur sa stratégie environnementale a été étendue à ces entreprises, qui tout simplement n’ont pas les mêmes moyens pour réagir à cette intensification des exigences environnementales.
Mais comme tu l’as évoqué, cela a changé la semaine dernière?
C’est exact. Comme mentionné, plusieurs aspects sont modifiés avec la directive OMNIBUS. Initialement, une entreprise était obligée de regarder sur tout le long de sa chaîne de valeur si toutes les entreprises engagées respectaient les droits humains. Avec l’application de la directive, elles doivent uniquement être vigilantes sur le partenaire direct. De plus, une entreprise doit être beaucoup plus grande pour être concernée par les règles. Cela a beaucoup soulagé les PME, mais également remis en question les ambitions climatiques.
La directive Omnibus engendre certainement des changements majeurs sur la régulation des entreprises. Mais est-ce que cela suffit pour considérer cela comme un changement historique ?
Ce qui suscite tant de réactions aujourd’hui, c’est que le vote constitue pour certains une institutionnalisation définitive de la droite extrême dans le jeu parlementaire européen par le groupe parlementaire avec la majorité relative, le PPE.
Pour l’instant, les compromis entre le PPE et les groupes politiques d'extrême droite avaient été discrets et ponctuels, sur des dossiers isolés au Parlement européen. La directive Omnibus, cependant, porte sur un projet structurant. Le changement des règles que je viens de vous expliquer, auront des répercussions capitales sur les priorités économiques et écologiques de l’ensemble du Continent.
Deuxième sujet d’actualité cette semaine, la déclaration du commissaire à la défense, Andrius Kubilius. Il s’est prononcé sur les avoirs russes gelés. Est-ce que tu peux nous rappeler l’enjeu ?
Rappelons premièrement que l’UE détient 180 Milliards en avoirs russes gelés. Un avoir gelé signifie qu’il est bloqué, mais reste toujours la propriété de la Russie. Le blocage s’effectue dans une chambre de compensation. Dans son discours, Andrius Kubilius a opté pour aller un pas plus loin: Une confiscation des avoirs russes par ces mêmes chambres de compensation?
Pour clarifier, quelle est la fonction d’une chambre de compensation, et pourquoi il y a une grande différence entre la confiscation et le blocage d’avoirs ?
C’est une organisation qui garde et gère ces actifs financiers pour faciliter leur transfert entre banques. Euroclear, qui détient une part importante des avoirs russes, peut les bloquer facilement sans risque, car c’est une opération administrative. Mais pour les confisquer et les utiliser, Euroclear veut que d’autres chambres de compensation s’engagent aussi, afin de partager les risques juridiques et politiques liés à cette décision. Justement, Andrius Kubilius s’est prononcé en faveur d’une confiscation. Il considère que les Etats membres sont capables de s’unir pour partager les risques communs d’une confiscation.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.