Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges. Les intervenant·es sont des étudiant·es de la promotion Jacques Delors (2024-2025), des Assistant·es académiques et, plus ponctuellement, des professeur·es.
Charline dos REIS BARREIRA est franco-portugaise, elle est étudiante et représentante du département de sciences politiques et de gouvernance européenne au Collège d'Europe (promotion Jacques Delors). Avant cela, elle a effectué une licence en droit français et espagnol à Nanterre Université en France, suivie d'un double master en droit dénal européen et droit international pénal. La question de l'égalité des genres et des droits des femmes l’a toujours passionnée. Elle a eu l'opportunité de rédiger un rapport comparatif sur les législations espagnole et française concernant les violences domestiques, ainsi qu'un rapport sur les violences de genre dans les conflits internationaux.
Les opinions exprimées n'engagent que leurs auteur·rices et ne reflètent pas nécessairement celles du Collège d’Europe.
Bonjour Charline, pouvez-vous nous expliquer pourquoi la question de l’égalité des genres dans les postes à responsabilités est aussi pertinente aujourd’hui ?
Bonjour ! En effet, l’égalité de genre dans les postes de pouvoir est un sujet essentiel. Même si l’égalité entre hommes et femmes est un principe fondamental de l’UE, on constate encore de fortes disparités, notamment dans les postes de décision au sein des États membres. Atteindre l’égalité dans ces postes, que ce soit en politique, dans l’économie ou dans la société, permettrait d’assurer une diversité de perspectives et d’influencer de manière plus juste et inclusive nos politiques et choix économiques.
Quels sont, les principaux freins à cette égalité ?
Les obstacles sont multiples. D’abord, il y a les normes culturelles : dans certains pays européens, des stéréotypes de genre restent ancrés, ainsi que des attentes traditionnelles quant aux rôles des hommes et des femmes qui limitent encore les opportunités pour les femmes d’accéder à des postes de responsabilité. Ensuite, il y a des barrières institutionnelles, ce qu’on appelle le « plafond de verre » qui empêche de nombreuses femmes d’atteindre les plus hauts niveaux de décision, malgré des qualifications souvent équivalentes, voire supérieures, à celles de leurs collègues masculins.
Donc, même avec les compétences, ces barrières persistent ?
Exactement. Dans de nombreuses institutions, les structures et réseaux de pouvoir sont largement dominés par des hommes, et cela crée une dynamique qui favorise inconsciemment des promotions masculines, laissant peu de place aux femmes dans les postes les plus influents. Cette tendance est observée même dans des pays avancés en matière de droits des femmes.
Quels types de mesures l’Union européenne a-t-elle mises en place pour tenter de réduire ces inégalités ?
L’UE a pris des mesures significatives pour favoriser l’égalité, notamment à travers les quotas de genre. Par exemple, des lois ont été adoptées en Espagne et en France pour imposer un minimum de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises. L’impact a été visible : on a vu une augmentation de la présence féminine dans ces instances de pouvoir. Ces quotas sont des outils concrets qui aident les femmes à surmonter les barrières structurelles et à se faire une place dans des environnements où elles étaient historiquement sous-représentées.
Et concernant les écarts de salaire, une autre inégalité persistante, comment l’UE agit-elle ?
La directive européenne sur la transparence salariale est une avancée importante. Elle oblige les entreprises à publier leurs écarts de rémunération entre hommes et femmes, et cela a un impact très positif. Par exemple, en Suède, la mise en œuvre de lois sur la transparence salariale a permis de réduire significativement les écarts de rémunération. La transparence est un levier efficace pour identifier et corriger les disparités salariales, et ce genre d’initiative est essentiel pour homogénéiser les progrès entre les différents États membres.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour les entreprises et les employeurs ?
Cela signifie que les employeurs doivent non seulement être transparents sur leurs pratiques salariales, mais aussi qu’ils sont encouragés à corriger les écarts qui apparaissent. Cela peut inciter les entreprises à mettre en place des politiques internes d’égalité salariale et à revoir leurs processus de promotion. Pour de nombreux employeurs, c’est un défi, mais cela peut aussi être une opportunité de moderniser leur fonctionnement et de s’aligner sur des valeurs européennes de justice et d’inclusion.
Selon vous, ces mesures sont-elles suffisantes pour atteindre une véritable égalité dans les postes de pouvoir ?
Ces mesures posent de bonnes bases et ont un impact indéniable, mais elles ne suffisent pas seules à atteindre l’égalité. Il ne s’agit pas seulement de quotas ou de transparence salariale : il faut aussi un changement culturel, pour que l’égalité de genre devienne une norme et non une exception. Cela implique de travailler sur les mentalités et d’éduquer les nouvelles générations pour déconstruire les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge. Ce changement est long à venir, mais il est essentiel pour garantir que ces progrès soient durables.
En quoi le mandat actuel de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, joue-t-il un rôle dans ces avancées ?
Ursula von der Leyen a clairement mis l’égalité de genre parmi ses priorités, et son mandat est une occasion d’intensifier les efforts. Le fait que les top jobs européen soit représentés par 3 femmes pour 4 postes est très révélateur sur ces ambitions. Toutefois, il existe une grande disparité entres les états membres. Certains sont encore réfractaire à l’idée de nommer des femmes. Ursula von der Leyen a essayé de conclure des accords avec ces Etats membres en leurs proposant des postes ou portefeuilles plus importants contre la nomination d’une femme.
Pour conclure, quel message aimeriez-vous passer aux auditeurs ?
Je dirais que l’égalité de genre dans les postes de pouvoir n’est pas seulement une question de justice sociale. Si nous voulons une Europe prospère et inclusive, nous devons continuer à encourager et à soutenir les femmes dans leur parcours vers les postes de décision. L’UE avance dans la bonne direction, mais chaque État membre doit aussi œuvrer pour une meilleure égalité au niveau national. Encore de nombreux défis restent à surmonter pour voir une meilleure représentation des femmes dans les postes à responsabilité.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.