L'Europe vue de Bruges

Le backlash écologique dans l'Union européenne

Photo de Maksim Shutov sur Unsplash Le backlash écologique dans l'Union européenne
Photo de Maksim Shutov sur Unsplash

Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges. Les intervenant·es sont des étudiant·es de la promotion Jacques Delors (2024-2025), des Assistant·es académiques et, plus ponctuellement, des professeur·es.

Alexandre Mies est étudiant franco-italien, en master au Collège d’Europe (Bruges) en Études politiques et de gouvernance européennes, et à Sciences Po Paris en Administration publique.

Diplômé d’une double licence en histoire et science politique, il a acquis une expérience dans plusieurs administrations françaises et européennes, où il a travaillé sur des sujets budgétaires, sociaux et environnementaux.

On entend de plus en plus parler d’un backlash écologique en Europe. Mais qu’est-ce que ça veut dire, concrètement ?

L’année 2025 a été marquée par une série de reculs des ambitions environnementales de l’Union européenne.

Deux exemples récents l’illustrent bien : la loi Omnibus, qui vise à alléger et simplifier certaines règles environnementales, et le report de la loi anti-déforestation la semaine dernière, annoncé par la Commission en réponse aux pressions politiques et des entreprises.

Tout cela, ajouté aux très médiatiques manifestations d’agriculteurs depuis 2023, dessine la tendance d’un backlash écologique. Concrètement, c’est un terme qui revient régulièrement pour qualifier une réaction conservatrice face à un changement politique plus progressiste – une sorte de contrecoup de certains acteurs contre les nombreuses avancées écologiques de l’UE ces dernières années, et notamment le Green Deal européen.

Pourquoi un backlash, et pourquoi maintenant ?

Il y a plusieurs raisons au backlash, et avant tout la perception des politiques publiques.

Du côté des agriculteurs d’abord, c’est le sentiment d’injustice qui prime. L’augmentation des coûts de production et la baisse des prix de vente, en plus de la concurrence d’importations moins strictement encadrées, nourrissent une défiance générale envers les politiques environnementales.

Côté entreprises et industrie, le reproche est différent. Elles estiment que les mesures freinent la compétitivité de l’Union, notamment face aux firmes américaines ou chinoises qui sont moins contraintes. Leur lobbying met les institutions européennes sous pression, et parfois la dérégulation l’emporte.

Enfin, le facteur politique en est pour beaucoup dans le backlash. Déjà, on peut lier cela à une volte-face de certains partis majoritaires, comme le Parti Populaire Européen, qui a infléchi sa position et demande de ralentir le Green Deal. Puis, c’est aussi lié à la progression des partis et idées d’extrême droite en Europe : ils attaquent frontalement l’écologie européenne, quitte à la qualifier « d’écoterrorisme » (voilà les mots du parti AfD en Allemagne lors des dernières élections). Cela semble séduire un électorat assez sensible aux coûts immédiats, voire des électeurs climatosceptiques.

Comment réagir face au backlash ?

Du point de vue des citoyens, deux choses :

  • Déjà, avoir conscience que le backlash concerne une minorité de la population de l’UE. Le dernier Eurobaromètre de juin 2025 fait état d’une approbation générale des politiques environnementales. 81% des citoyens soutiennent la politique climatique de l’UE et près de 90% souhaitent davantage d’investissements dans les énergies renouvelables.
  • Globalement, continuer à pousser l’écologie au sommet de l’agenda politique, à travers des conférences, des manifestations, etc.

Du côté des institutions, il y a un vrai défi :

  • D’abord, des politiques publiques vertes plus justes. Davantage de compensations en cas de pertes d’emplois, ou d’avantage d’investissements auprès des populations locales les plus touchées.
  • Ensuite, davantage de participation citoyenne dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques environnementales.

Car le problème n’est pas seulement écologique. La critique naît aussi d’un manque de confiance : le sentiment qu’une bulle bruxelloise décide seule, loin du terrain, et sans consulter les citoyens. C’est un enjeu bien plus transversal, et tant qu’on ne corrige pas cette perception, c’est l’UE elle-même qui perd en crédibilité. Au fond, ce backlash nous rappelle que la transition écologique doit être partagée, démocratique, et égalitaire.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.