L'Europe vue de Bruges

Le Cadre de Windsor, un an après

©Lorena Kelly sur Unsplash Le Cadre de Windsor, un an après
©Lorena Kelly sur Unsplash

Depuis 1949, le Collège d’Europe forme aux questions européennes de jeunes diplômé·es venu·es de toute l’Europe, et désormais du monde entier. C’est une institution où l’on étudie l’intégration européenne sous tous ses aspects et où l’on réfléchit à son avenir. Le Collège accueille aujourd’hui 340 étudiant·es sur son campus historique de Bruges (Belgique), et 130 sur son second campus, créé en 1992 à Natolin (Pologne). Durant un an, il·elles suivent un programme académique exigeant, vivent ensemble et développent de nombreuses activités extracurriculaires. 

Un an depuis le Cadre de Windsor, les effets sur les relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’UE, et sur la politique en Irlande du Nord, commencent à se matérialiser. Justin Goshorn, étudiant britannique du département d’études politiques et de gouvernance européennes, discute des changements, tout en envisageant les prochaines négociations sur le Brexit en 2026.

Bonjour, Justin Goshorn 

Bonjour Laurence, merci de de me recevoir.

Nous voilà au premier anniversaire du « Cadre de Windsor » concernant l’Irlande du Nord : rappelez-nous quel était cet accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ?

En février 2023, l'UE et le Royaume-Uni se sont mis d'accord sur le « Cadre de Windsor » visant à modifier le protocole d'Irlande du Nord, et à répondre aux préoccupations concernant la circulation des marchandises entre le Royaume-Uni et l'Irlande du Nord.

À cause du Brexit, l'Irlande du Nord reste dans le marché unique de l'UE, et les marchandises exportées du reste du Royaume-Uni sont toujours soumises aux contrôles en douane, qui ont provoqué des tensions politiques.

Par conséquent, le Cadre de Windsor était un accord visant à simplifier le transport de marchandises, grâce à la désignation de « commerçants de confiance », et à l’introduction d’un système d’étiquetage «pas pour l'UE». Les entreprises et les consommateurs d’Irlande du Nord ont conservé l’accès au marché unique.

Et donc, un an plus tard, quel a été l’impact sur le commerce entre l’UE et le Royaume-Uni ?

L'UE reste le principal partenaire commercial du Royaume-Uni, mais le commerce des marchandises diminue à cause des barrières commerciales. Le cadre de Windsor réduit principalement les barrières commerciales entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni, mais il affecte également le commerce entre le l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, un État Membre de l’UE, qui sont en augmentation depuis 2016.

Le secteur agro-alimentaire est particulièrement touché, une tendance qui se poursuivra à l'avenir. Plus tard cette année, ces étiquettes alimentaires « pas pour l'UE » seront appliquées à la plupart des produits alimentaires vendus dans le reste du Royaume-Uni. Les exportations alimentaires vers le Royaume-Uni pourraient, en conséquence, diminuer en raison des coûts de production supplémentaire.

Il y a aussi la question des divergences réglementaires passives. Si le Royaume-Uni s’écarte des normes européennes à cause des nouvelles lois, ou si la Commission Européenne adopte de nouvelles réglementations qui s’appliquent toujours à l’Irlande du Nord, cela pourrait réduire le commerce des marchandises.

Et quels ont été les effets politiques depuis l’adoption du Cadre de Windsor ?

Entre l’UE et le Royaume-Uni, les relations se sont améliorées. La politique nord-irlandaise reste divisée par le Brexit, et pourtant la situation est meilleure aujourd’hui qu’il y a un an. À cette époque, le Parti Unioniste Démocrate (« DUP ») avait bloqué le gouvernement décentralisé pour protester contre le Protocole d'Irlande du Nord.

Fin janvier 2024, un accord a été annoncé pour rétablir le système du partage du pouvoir en Irlande du Nord, entre le DUP et le « Sinn Fein ». Certains unionistes restent opposés, et, en décembre, les députés d'Irlande du Nord voteront pour maintenir ou non des accords commerciaux actuels. Cela risque d’annuler potentiellement certaines parties du cadre.

Regardant à l’avenir, l’actuel accord de commerce et de coopération entre l’UE et le Royaume-Uni doit être réexaminé par les deux parties d’ici 2026. Les progrès réalisés depuis l’accord-cadre de Windsor ont-ils créé une opportunité de renégocier et de réduire davantage les obstacles au commerce ?

Même si l’accord de Windsor a rétabli la confiance pour une meilleure application des règles, il est peu probable que les grands termes de la relation commerciale changent.

Du côté du Royaume-Uni, les sondages actuels indiquent que le parti « Labour » va remporter les prochaines élections générales, et son leader Keir Starmer a précédemment déclaré qu'il souhaitait renégocier un accord « bien meilleur ».

Toutefois, de telles négociations seraient techniquement ardues et politiquement difficiles. Une révision approfondie nécessiterait que le Royaume-Uni et l’UE se mettent d’accord sur un champ d’application ambitieux.

Du côté de l’Union européenne, on éprouve des réticences à ouvrir, à nouveau, cet accord, qui fonctionne suffisamment. Stefan de Rynck, conseiller principal de Michel Barnier, a écrit que les négociateurs de la Commission européenne ont accompli la majeure partie de leur mandat en 2020. Par conséquent, l’EU favorisera à un bref examen technique de la mise en œuvre, et tout changement en 2026 sera limité.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.