AntiClash - La revue de presse européenne

L'actualité environnementale - Épisode Anticlash #6

@Tagesschau L'actualité environnementale - Épisode Anticlash #6
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Bienvenue sur euradio ! Voici la revue de presse européenne d’AntiClash, le podcast qui explore les sujets polémiques par le dialogue. Dans cette chronique présentée par Laurent Lanfranchi et Rafael Tyszblat, nous vous proposons une revue partielle de la presse européenne, avec notre analyse. 

Ce mois-ci, nous allons parler environnement. Alors que la campagne pour les élections européennes est bien lancée et que les sujets de fébrilité sont nombreux, l’actualité environnementale a aussi fait parler d’elle. 

Avec notamment un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme qui a condamné le 9 avril, pour la première fois, un Etat, la Suisse, pour violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L’arrêt donne raison à une association de femmes âgées qui attaquait l'inaction de leur pays face au dérèglement du climat. Une décision saluée avec enthousiasme par les militants de la cause environnementale. 

Pour Tageschau en Allemagne, « Les générations futures seront reconnaissantes » envers la CEDH dont l’arrêt, selon la journaliste Gigi Deppe, est « révolutionnaire car il ne se contente pas d’acter que le changement climatique est un fait et une menace réelle pour les droits de l’homme, mais également que les gens peuvent intenter des poursuites et exiger que leurs gouvernements prennent des contre-mesures devant les tribunaux. » Les juges envoient aussi, selon l’article, un message: « si le climat est hostile à l’humanité, de nombreuses choses contenues dans la convention des droits de l’homme ne peuvent plus être garanties. » Il ajoute que cette décision en appellera certainement d’autres. 

Tageschau 09 avril 2024 

https://www.tagesschau.de/kommentar/kommentar-klimaklage-egmr-100.html 

En Suisse même, si le Temps salue le « courage » des juges de la CEDH, Blick estime que ce jugement peut-être contre-productif et notamment alimenter une défiance envers ce qui peut être perçu comme des juges étrangers imposant des mesures impopulaires. 

Sydsvenskan en Suède craint la confusion entre politique et justice et estime que la question climatique ne peut pas être résolue devant les tribunaux.  « Ces plaintes fluctuent dans une zone grise située entre droit et politique. Or il ne devrait pas incomber aux tribunaux de trancher sur des questions politiques. C'est le rôle des assemblées politiques, des débats ouverts et des votes démocratiques, basés sur la responsabilité politique. »

Der Standaard en Belgique va plus loin en se demandant « Et si la démocratie se heurtait aux droits de l’homme ? »

Le temps, 10 avril 2024

https://www.tdg.ch/editorial-le-message-courageux-des-juges-sur-le-climat-928992633503 

Blick, 09 avril 2024

https://www.blick.ch/meinung/kommentare/kommentar-zum-urteil-aus-strassburg-wir-wollen-keine-klima-justiz-id19621287.html

Sydsvenskan, 9 avril 2024

https://www.sydsvenskan.se/2024-04-09/klimatet-kan-anda-inte-losas-i-domstol/ 

Der Standaard, 11 avril 2024

https://www.standaard.be/cnt/dmf20240410_96227178 

La presse fait aussi état de ses préoccupations quant à la relégation de la question environnementale au second plan, à cause notamment de l’impopularité des mesures prises par les Etats dans ce domaine. Il faut dire que l’écologie, comme les questions de réarmement ou dl’immigration, que nous avons déjà abordées à AntiClash, est un des domaines qui pourrait contribuer à déterminer le résultat des élections Européennes à venir.

Avant les élections, la Commission Européenne sortante s’est d’ailleurs lancée dans une véritable « course contre la montre pour faire adopter un maximum de législations du Green Deal ». Mais dans Euractiv, Nikolaus J. Kurmayer décrit un programme (notamment la tarification du carbone et l’élimination des voitures thermiques) dont l’impopularité profite aux partis conservateurs, qui préfèrent mettre en avant la protection de la compétitivité des entreprises, et celle du consommateur. 

https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/le-green-brief-la-politique-climatique-de-lue-de-plus-en-plus-impopulaire/ 

Euractiv, 13 mars 2024

Un autre aspect des grognes contre les politiques environnementales européennes : l’agriculture. Là aussi, les partis conservateurs ont réussi à se faire les porte-voix des mouvements de contestation agricole de cet hiver.

Laurence Tubing, de la Fondation Européenne pour le Climat, estime dans Politico que les conservateurs et l’extrême droite ne sont pas les seules représentations politiques qui comprennent les enjeux et la détresse du monde agricole. Cependant, un retour en arrière, notamment sur la décarbonisation et la restauration de la nature, serait contre productif. Son constat: 60 à 70% des sols européens sont insalubres, selon les estimations de la CE.

Les grands groupes agro-industriels, aussi les plus riches, sont responsables de la majeure partie de cette pollution. Elle croit cependant en l’initiative d’Ursula Von Der Leyen pour un dialogue stratégique qui peut être l’opportunité de sortir de l’impasse politique dans laquelle se trouve l’UE, pour autant que ce dialogue parvienne à inclure les plus petits producteurs.

Politico, 9 avril 2024

https://www.politico.eu/article/fair-future-europe-farmers-green-deal-climate-economy/ 

Politico, 2 avril 2024

https://www.politico.eu/article/missing-socialist-green-deal-vision-european-elections

Gauche « invisible », libéraux « dogmatiques » et conservateurs se posant en « défenseurs des besoins immédiats », voilà les forces en présence telles que perçues dans la presse. Mais l’agenda environnemental de l’UE peut-il être traité comme les autres? Peut-on se permettre de le mettre en bas de la liste parce que d’autres priorités semblent émerger comme l’économie ou la défense? Ou est-il possible de progresser dans ce domaine de manière continue et transpartisane tout en satisfaisant les autres exigences et urgences politiques et citoyennes? Comme on aime à le dire à AntiClash, les besoins des uns et des autres ne devraient pas être incompatibles. 

Même s’il semble exister un consensus de plus en plus clair sur la nécessité d’agir, l’écologie est un sujet complexe et les débats tournent surtout autour des types de politique environnementale à mener. Cette complexité a de multiples fondements: le degré d’urgence dans l’esprit de chacun, la proximité avec certaines conséquences du réchauffement climatique, un confort fondé sur une industrie et une technologie carbonées, confort acquis en un siècle et dont il est difficile de se départir. Il s’agit bien d’un combat nouveau et inédit contre un réchauffement dont nous sommes à la fois acteurs et potentielles victimes.

C’est probablement le rôle de la politique, et c’est ce qu’on attend aussi de l’Europe, que d’ouvrir un espace de dialogue inclusif qui puisse nous aider, nous citoyens, à trouver nos solutions pour concilier les urgences et la nécessité d’agir sur le long terme.