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UE - Mercosur : la France et l'Allemagne divergent

European Union, 2023 -  EC - Audiovisual Service UE - Mercosur : la France et l'Allemagne divergent
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Dans leurs chroniques sur euradio, Jeanette Süß et Marie Krpata dressent un état des lieux des relations franco-allemandes et de la place de la France et de l’Allemagne au sein de l’UE et dans le monde. Elles proposent d’approfondir des sujets divers, de politique intérieure, pour mieux comprendre les dynamiques dans les deux pays, comme de politique étrangère pour mieux saisir les leviers et les freins des deux côtés du Rhin.

Bonjour Marie, vous allez aujourd’hui nous parler des accords commerciaux entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. C’est un sujet sur lequel s’écharpent la France et l’Allemagne. On aimerait donc en savoir un peu plus. Pour commencer, je souhaiterais vous demander : quel intérêt y aurait-il à conclure un accord commercial entre l’UE et le Mercosur ?

L’accord UE-Mercosur (càd avec l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay) créerait l’une des plus grandes zones de libre-échange au monde, avec près de 750 millions d’habitants et une part de 20 % de l’économie mondiale.

Renforcer les liens commerciaux avec eux participerait à sécuriser les chaînes d’approvisionnement et permettrait de se rendre moins tributaire des Etats-Unis et de la Chine, de plus en plus protectionnistes. Se tourner vers d’autres régions du monde est une tentative de lutter contre la fragmentation à l’échelle mondiale sur fond de rivalité sino-américaine.

Aux arguments économiques se rajoutent aujourd’hui des arguments géostratégiques. La guerre en Ukraine ou la guerre au Proche-Orient renforcent une logique de blocs. En cherchant à se rapprocher de certains pays comme le Brésil, par ailleurs membre des « BRICS+ » et qui se veut le porte-voix du « Sud global » sur la scène internationale, l’UE aspire à renforcer la cohésion politique avec ces puissances régionales courtisées par la Chine et la Russie.

Des arguments économiques mais aussi géopolitiques pour renforcer les liens entre l’UE et l’Amérique latine donc. Mais quelles sont les craintes suscitées par la conclusion des accords UE-Mercosur ?

Les craintes par rapport aux accords UE-Mercosur concernent la concurrence déloyale qui se ferait au détriment des éleveurs et des agriculteurs européens, en important du bœuf, de la volaille, du riz et du soja à bas prix auprès des pays du Mercosur.

La France n’est d’ailleurs pas la seule à être réticente aux accords UE-Mercosur. On peut également mentionner d’autres pays comme l’Autriche, l’Irlande et les Pays-Bas mais leur positionnement n’est plus aussi clair aujourd’hui. En revanche la Pologne et l’Italie pourraient se ranger du côté français. Les protestations des agriculteurs en amont des élections européennes partout en Europe ont mis en lumière le malaise en Europe par rapport au commerce international.

Revenons-en aux pays du Mercosur. Quelles sont leurs attentes par rapport aux accords ? Y a-t-il également des réticences de leur côté ?

Les pays du Mercosur souhaitent renforcer leur base industrielle grâce à des investissements étrangers. Leur principal enjeu est de sortir de l’extractivisme, de créer de la valeur ajoutée et des emplois sur place. Pour ce faire, ils doivent gagner en savoir-faire sur comment raffiner les minerais extraits chez eux.

Cela dit, ils accusent aussi de plus en plus l’UE de paternalisme. Ils dénoncent une application du « deux poids deux mesures » d’une UE qui, d’un côté, cherche à leur imposer des normes environnementales jugées excessives mais, de l’autre, feint d’ignorer les externalités négatives des activités de certaines entreprises européennes en Amérique latine. Ce manque de cohérence pourrait coûter cher à l’UE car la Chine est à l’affût et contrairement à l’UE elle n’impose pas autant de contraintes normatives.

Dans cette chronique on parle de la France et de l’Allemagne alors justement sommes-nous sur la même longueur d’onde des deux côtés du Rhin lorsqu’il s’agit des accords UE-Mercosur ?

Pas vraiment, et il suffit de regarder la balance commerciale de la France et de l’Allemagne pour comprendre que la France, avec un déficit commercial de 121 milliards EUR, a le pied sur le frein en la matière, alors que l’Allemagne, avec un excédent commercial de 210 milliards EUR en 2023, elle, appuie sur l’accélérateur.

La France défend la mise en place de « clauses miroir » afin que les mêmes standards de production, sociaux et environnementaux, s’appliquent dans l’UE et dans les pays du Mercosur. Elle souhaite également que les accords de Paris sur le climat soient respectés et que figurent des garanties contre la déforestation importée.

En Allemagne en revanche le mot d’ordre est à la diversification pour réduire sa dépendance à l’égard de pays tiers. Elle cherche donc de nouveaux débouchés pour ses produits, mais aussi de nouvelles sources d’approvisionnement pour des minerais pour lesquels elle se fournit actuellement en grande partie en Chine.

On voit que les intérêts des uns et des autres divergent. Alors quelles sont les perspectives de conclusion de ces accords ?

Ces accords sont un véritable serpent de mer : on pensait notamment qu’avec la présidence espagnole du conseil de l’UE fin 2023 et l’arrivée au pouvoir de Lula da Silva au Brésil on repartait sur de bonnes bases. Or cela ne s’est pas traduit par des avancées sur ce dossier.

Pourtant, Olaf Scholz, le chancelier allemand, a à plusieurs reprises publiquement soutenu les accords, par exemple lors du forum économique mondial à Davos en 2023 ou lors de son discours au Parlement européen en mai 2023. En revanche, cette année, Gabriel Attal et Emmanuel Macron ont confirmé à nouveau leur opposition, l’un à Berlin et l’autre lors de son voyage au Brésil.

On l’a vu, dans le cadre du sommet du G20 organisé les 18 et 19 novembre à Rio, les accords ont encore été évoqués et les pressions envers la France augmentent pour qu’elle infléchisse sa position. A voir si elle finit par céder et à quelles conditions. Rendez-vous les 5 et 6 décembre en Uruguay pour le sommet du Mercosur où ces accords pourraient à nouveau être à l’ordre du jour.

Une interview réalisée par Laurence Aubron.