Fréquence Europe

Le 9 mai, la Journée de l'Europe

© Francois Schnell de flickr Le 9 mai, la Journée de l'Europe
© Francois Schnell de flickr

Toutes les deux semaines sur euradio, retrouvez « Fréquence Europe », la chronique de Radio Judaïca et l’Europe Direct Strasbourg, présentée par Olivier Singer.

Olivier, le 9 mai, c’est la Journée de l’Europe. Mais au fond, pourquoi cette date-là, précisément ?

Parce que c’est un jour fondateur pour l’Europe.

Le 9 mai 1950, dans un salon du quai d’Orsay à Paris, la salle des horloges, Robert Schuman, alors ministre français des affaires étrangères, présente ce qu’on appelle aujourd’hui la Déclaration Schuman. Ce discours, c’est le point de départ de la construction européenne.

Mais attention, cette déclaration ce n’est pas un nouveau grand discours sur l’Europe. Robert Schuman propose du très concret : mettre en commun la production de charbon et d’acier entre la France et l’Allemagne. Deux matières premières qui, à l’époque, servaient aussi… à faire la guerre. C’est donc un projet de paix, basé sur deux productions indispensables à la reconstruction de l’Europe et de son économie.

Et Robert Schuman, justement, qui était-il exactement ?

Schuman, c’est une figure étonnante. C’est déjà un homme de frontières. Robert Schuman est élevé à Clausen, un faubourg de la ville de Luxembourg mais il passera de nombreux séjours à la ferme familiale d’Évrange en Moselle de même qu’à Kruth, dans le sud de l’Alsace, où sont installés ses grands-parents maternels. Ce n’est qu’à l’issue de l’armistice de la Première Guerre mondiale où la France retrouve les trois départements perdus en 1870 que Robert Schuman - à l’âge de 32 ans ! - acquiert la nationalité française. Il a donc vécu dans sa chair la complexité des frontières européennes. Catholique fervent, il a connu les deux guerres mondiales, l’occupation, la déportation. C’est un homme marqué par l’histoire et profondément convaincu qu’il faut construire la paix autrement.
Ministre à plusieurs reprises sous la IVe République, il n’a rien d’un tribun. Il est discret, méthodique, un peu austère même. Mais le 9 mai 1950, c’est lui qui porte la vision de Jean Monnet devant le monde.

Et Jean Monnet, qui était-il ?

Jean Monnet, c’est un visionnaire Ce n’était pas un homme politique c’était plus un homme de réseaux, de projets, de convictions. Il n’a jamais été élu, mais il a influencé les plus grands. Il commence sa carrière dans le commerce du cognac, puis devient diplomate, conseiller économique, et commissaire général au Plan pour le redressement économique de la France après 1945.

Ce qui le rend unique, c’est sa capacité à penser l’Europe de façon pragmatique. Il est soucieux de trouver un moyen d’opérer un rapprochement entre la France et Allemagne pour arriver à une paix durable sur le continent européen. Pour lui, il faut commencer par des actions concrètes qui créent de la confiance. C’est cette idée qui donne naissance à la Déclaration Schuman.

Et il le dit lui-même, en 1950, dans une note à Schuman : « Les peuples d’Europe n’entendent que des paroles. » Il faut donc une action immédiate, forte, visible. Ce sera le plan du charbon et de l’Acier.

Donc cette idée d’Europe n’est pas tombée du ciel, elle a été peaufinée, corrigée…?

Exactement ! On est loin du coup de théâtre. Le projet a été affiné en fonction des réalités politiques et économiques de l’époque. Et ce que Monnet voulait, c’était marquer les esprits. Il fallait donc poser un acte fort.

Et la réaction ? Tout le monde a applaudi ?

Pas tout à fait… Le Royaume-Uni, par exemple, a poliment décliné. Mais six pays – la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas – ont répondu présents. Et dès le mois de juin, les négociations pour mettre en œuvre le plan commencent.

Et petit clin d’œil d’archives : il n’y a aucune photo du discours du 9 mai ! Aucun journaliste n’était là. Alors l’image qu’on voit souvent pour illustrer ce moment historique ? Ce n’est pas celle du discours, mais celle du 20 juin, quand les négociations ont officiellement été lancées.

Et aujourd’hui, comment célèbre-t-on cette Journée de l’Europe ?

Ce n’est pas un jour férié sauf au Luxembourg
Dans toute la France cette journée ne s’arrête pas au 9 Mai ! Tout le mois est une invitation à vivre l’Europe autrement, au plus près de chez soi. Pendant tout ce mois, l’Europe est mise à l’honneur par divers événements (villages européens, débats, d’expositions, de concerts, et plein d’autres encore) Qu’on soit à Nantes à Strasbourg, à Lilles ou à Bordeaux, tous les évènements organisés dans le cadre du 9 mai et du joli mois de mai sont répertoriés sur le site web : europe-en-france.gouv.fr/
Enfin pour les curieux ou les passionnés d’histoire, sachez que vous pouvez visiter la maison historique de Robert Schuman à Scy-Chazelles, près de Metz. Elle a été restaurée en 2004 à partir d’archives et de photos d’époque. Une belle façon de prolonger cette plongée dans l’histoire européenne.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.