Toutes les deux semaines sur euradio, retrouvez la chronique Fréquence Europe de Radio Judaïca et l’Europe Direct Strasbourg, présentée par Olivier Singer.
Le 9 novembre dernier, les États membres de l’UE et le Parlement européen se sont mis d’accord sur un texte sur la restauration de la nature, crucial pour lutter contre le déclin de la biodiversité.
Olivier, quel est l’état actuel de la biodiversité dans l’Union européenne ?
La biodiversité dans l'UE décline fortement. Les populations d'espèces et les zones naturelles qu'elles abritent se réduisent et se dégradent.
Les écosystèmes et les populations d'espèces subissent la pression d'un certain nombre de facteurs, dont notamment la pollution, le changement climatique, la perte d'habitat, la prolifération d'espèces envahissantes.
Aujourd’hui, dans l’Union européenne, 80 % des habitats sont en mauvais état, 10 % des espèces d'abeilles et de papillons sont en risque d'extinction. Près de 30 % des papillons des prairies ont été perdus depuis 1991. 1 espèce sur 3 d'abeilles et de papillons est en déclin et même 1 sur 10 est en voie d'extinction. Enfin, 70 % des sols sont en mauvaise santé.
Pourtant, Olivier, l’Union européenne avait déjà mis en place des politiques en faveur de la conservation de la nature. Oui c’est exact, l’UE dispose de deux législations emblématiques sur le sujet, l’une sur la protection des oiseaux et l’autre sur la protection des habitats des espèces animales et végétales menacées. L’UE a aussi créé Natura 2000, un réseau européen de sites protégés, qui répertorie des zones de l'UE contenant une faune et une flore dotées d'une grande valeur patrimoniale. Les sites répertoriés sont soumis à des règles précises afin de permettre la conservation d'espèces et d'habitats particulièrement menacés. Le réseau Natura 2000 regroupe aujourd’hui 18 % de la surface terrestre du territoire de l'UE et 10 % de sa surface marine.
Pourtant, l'érosion de la biodiversité n'a pas été enrayée ces dernières années, c’est pourquoi l’on ne parle plus seulement de protection de la nature, mais de restauration de la nature. Selon les derniers chiffres de l’agence européenne de l’environnement, seuls 15% des habitats et 27 % des espèces protégées sont en bon état de conservation dans l’Union européenne.
Alors, de quoi parle-t-on avec ce texte ?
Sur le papier, l’objectif fait largement consensus. Le projet de loi sur la restauration de la nature est pourtant devenu l’un des textes les plus controversés du Pacte vert européen, visant à rendre l’UE neutre en carbone d’ici 2050.
Cette loi vise à imposer aux Etats des objectifs contraignants de restauration des terres et espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, pour préserver la biodiversité, dans la lignée de l’accord de la COP 15 de Montréal de décembre 2022 sur la biodiversité (dont on a un peu moins parlé que de la COP 28 sur le changement climatique). En lien avec cet accord, la législation imposera aux Vingt-Sept de restaurer d’ici 2030 au moins 30 % des habitats abîmés, puis 60 % d’ici 2040 et 90 % d’ici 2050. Chaque Etat aura 2 ans pour élaborer des plans détaillés expliquant comment il a l’intention d’atteindre ces objectifs.
Le champ d’application de cette loi se veut être le plus large possible : villes, campagnes, milieux marins, rivières, forêt... L’objectif étant d’endiguer le déclin des écosystèmes et de restaurer des habitats en bonne santé un peu partout.
Les pays devront introduire des mesures ciblées pour restaurer des tourbières asséchées, diversifier les forêts de monoculture en y laissant se développer les espèces indigènes, supprimer les barrages des rivières, rétablir des zones de prairies inondables, planter des haies en zone agricole, accroître les populations de papillons des prairies, ramener la nature dans les villes en stoppant les pertes nettes d’espaces verts...
Et pourquoi ce texte est-il finalement si controversé ?
Dès le début de cette législature, le Parlement a déclaré l’urgence climatique et a mis en place un grand plan de transition écologique, le Green Deal ou le Pacte vert en bon français, pour faire de l’Europe le 1er continent neutre en carbone d’ici 2050.
Pour y parvenir, ce sont 75 lois européennes qui ont été adoptées. Certains à droite de l’échiquier politique européen s’inquiètent de l’impact de ces textes pour l’avenir de l’agriculture, de la pêche... Aussi, à l’approche du scrutin européen de juin 2024, des voix se font entendre dans plusieurs pays pour demander une pause réglementaire en matière environnementale.
Il demeure que la restauration de la nature et de sa biodiversité est essentielle, car il ne faut pas oublier qu’elle nous fournit la nourriture que nous mangeons, filtre l’eau que nous buvons et purifie l’air que nous respirons.