Fréquence Europe

Schengen : 40 ans de libre circulation en Europe

Schengen : 40 ans de libre circulation en Europe

Toutes les deux semaines sur euradio, retrouvez « Fréquence Europe », la chronique de Radio Judaïca et l’Europe Direct Strasbourg, présentée par Olivier Singer.

Bonjour J’accueille Olivier Singer de l’Europe Direct de Strasbourg pour sa chronique européenne. 
Cette année, l’Europe célèbre les 40 ans de l’Espace Schengen. Mais au fond, Schengen, c’est quoi ?

C’est l’une des réalisations les plus concrètes de l’Union européenne. Elle permet à plus de 3,5 millions de personnes, chaque jour, de franchir une frontière intérieure sans contrôle, sans montrer leurs papiers.

Tout part d’un accord signé le 14 juin 1985 dans le village luxembourgeois de Schengen, au carrefour entre la France, l’Allemagne et le Luxembourg. Ce jour-là, cinq pays — la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas — ont décidé de supprimer progressivement les contrôles aux frontières intérieures.

Mais attention, il ne s’agissait pas d’ouvrir les portes à tout-va : en échange, ils ont renforcé la surveillance de leurs frontières extérieures, ensemble.

Pourquoi seulement en 1985, et avec cinq pays ?

Dès 1957, le traité de Rome évoquait déjà la libre circulation des personnes. Mais dans les faits, les contrôles aux frontières ont été maintenus, pour des raisons de sécurité, de souveraineté ou de méfiance.
C’est dans les années 1980, face aux blocages aux frontières (notamment des chauffeurs routiers) et à une nouvelle volonté politique, que l’idée d’un espace sans contrôle aux frontières a pu aboutir.

Et aujourd’hui, combien de pays font partie de Schengen ?

29 en tout, dont 25 membres de l’UE. Depuis le 1er janvier 2025, la Bulgarie et la Roumanie y participent pleinement. Seules l’Irlande et Chypre n’y sont pas encore totalement intégrées.
Et quatre pays non-membres de l’UE y sont associés : la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein.

Schengen, c’est quoi au quotidien ?

C’est la possibilité d’aller de Lille à Munich ou de Strasbourg à Lisbonne sans avoir à sortir ses papiers.
Pour les travailleurs frontaliers, les vacanciers, les étudiants Erasmus ou les entreprises, c’est moins de paperasse, plus d’efficacité. Cette liberté, c’est Schengen qui la permet.

Mais Schengen, ce n’est pas que la fin des contrôles.


Non, c’est aussi une coopération policière et judiciaire renforcée.
Puisqu’on ne contrôle plus systématiquement aux frontières, il a fallu partager les infos autrement. C’est le rôle du SIS, le Système d’information Schengen, basé à Strasbourg.

Le SIS est un grand fichier partagé par les États membres. Il contient des alertes sur des personnes recherchées, avec nom, date de naissance, parfois empreintes ou photo. Il enregistre aussi des documents volés ou des véhicules suspects.

Chaque jour, 20 millions de recherches sont effectuées dans le SIS par les autorités de police, des douanes, des migrations des Etats membres. C’est devenu l’outil central du système Schengen.

Et pour surveiller les frontières extérieures, l’UE s’appuie sur Frontex, l’agence de garde-frontières, renforcée depuis la crise migratoire de 2015.

Mais malgré tout ça, certains pays réintroduisent des contrôles ?

Oui, mais c’est prévu. En cas de crise sanitaire, de menace terroriste ou de troubles graves, un pays peut rétablir temporairement les contrôles. C’est prévu par une clause de sauvegarde, qui cela doit rester exceptionnel.

Et c’est sur cette base que l’Allemagne a renforcé les contrôles à la frontière française ?

Exactement, le nouveau gouvernement de Friedrich Merz a réintroduit des contrôles côté allemand.
Les habitants des zones transfrontalières, comme Strasbourg et Kehl, en subissent les conséquences : embouteillages quotidiens au pont de l’Europe, perte de clientèle pour les commerces allemands, pénurie de main-d'œuvre française dans le land voisin du Bade-Wurtemberg.
Les maires de Strasbourg et Kehl, Jeanne Barseghian et Wolfram Britz, ont même écrit une lettre au chancelier Merz pour dénoncer les effets négatifs de ces contrôles.

Schengen, c’est un symbole fort de confiance entre pays européens. C’est aussi un moteur économique. Mais le système est fragile. Chaque décision unilatérale, chaque contrôle prolongé fragilise le projet. Il ne faudrait pas qu’un simple barrage de police suffise à faire réapparaître des frontières mentales qu’on croyait dépassées depuis 40 ans.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

Épisodes précédents