L'Europe et le monde

La fin du CETA ?

Crédits : Aurore Martignoni / Commission européenne La fin du CETA ?
Crédits : Aurore Martignoni / Commission européenne

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde », par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

Le Sénat français a voté contre la ratification de l'accord commercial controversé entre l’UE et le Canada, le CETA. Qu'est-ce que le CETA ?

Le CETA est l'acronyme anglais d'un traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. C'est difficile de résumer cet accord qui prévoit une multitude de mesures, mais la plupart ne sont pas particulièrement originales. Comme souvent dans des traités de libre échange, une diminution des droits de douane et des barrières réglementaires aux échanges est prévue par l'accord. C'est environ 99% des obstacles qui doivent ainsi être levés.

Mais le CETA n'est pas un nouvel accord. Pourquoi on en reparle aujourd'hui ?

Après cinq ans de négociations, le CETA a été conclu en 2014. Il a été par la suite signé deux ans plus tard et est partiellement entré en vigueur en 2017. Donc en effet, le CETA n'est pas une nouveauté. Mais la semaine dernière, le Sénat français a pris l'initiative d'examiner l'accord et l'a rejeté lors d'un vote. Les députés devront donc se prononcer de nouveau sur le CETA après l'avoir accepté in extremis en 2019, et risquent de bloquer l'accord cette fois-ci en raison d'une majorité différente. La conséquence de ces votes du parlement français sera que le traité devra être suspendu partout en Europe.

Comment est-ce possible que la France bloque l'application du CETA partout dans l'Union ?

En fait, on peut distinguer deux parties du traité. La première qui représente environ 90% de l'accord dépend de la compétence exclusive de l’Union européenne. L'autre partie relève d’une compétence qui est partagée entre l’Union et les Etats membres car se sont des questions sur lesquelles l'Union n'a pas de compétence exclusive selon un arrêt de la Cour de Justice de l'UE. En 2017, le Parlement européen s'est exprimé en faveur du CETA, et donc 90% de l'accord est entré en vigueur. Pour l'autre partie, chaque État membre devait ratifier l'accord via son parlement, ce qui n'a été fait que par un peu plus de la moitié d'entre eux.

Mais ce n'est pas la seule difficulté ?

Tout à fait. Le CETA a été présenté aux États membres en un seul bloc. Donc la conséquence est que si ne serait-ce qu'un seul État membre s'oppose au traité, non seulement la partie sur laquelle l'Europe partage sa compétence avec les États membres sera abandonnée, mais aussi la plus grande partie qui est désormais temporairement appliquée. Donc le vote contre le CETA du Sénat français peut avoir une influence dramatique sur l'avenir de cet accord.

Pourtant Chypre a aussi rejeté l'accord sans pour autant que cela n'ait eu d'incidence.

En effet, le Parlement chypriote a bien voté contre la ratification du CETA. Mais en fait, pour que le traité cesse d'être appliqué, il faut que ce refus soit notifié aux institutions européennes par le gouvernement de Chypre, ce qui n'a pas été fait. Dans le cas français, le gouvernement pourrait aussi ne pas notifier le rejet du CETA par le parlement ce qui aura pour conséquence le prolongement de l'application provisoire du traité, mais c'est une stratégie politiquement délicate.

Pourquoi de nombreuses parties prenantes souhaitent un traité de libre échange avec le Canada ?

Le Canada est un partenaire économique assez important pour l'Union européenne, mais de nombreuses barrières limitent les échanges commerciaux. Le CETA permet, entre autres, de faire reconnaître outre-atlantique 173 indications géographiques, de supprimer environ 98% des droits de douanes, ou d'harmoniser des normes.

Alors si le CETA présente tous ces avantages, pourquoi l'opposition est forte contre cet accord ? Les raisons sont multiples. Certains en Europe craignent une concurrence déloyale venant du Canada, notamment sur les produits agricoles en raison de normes différentes. D'autres considèrent que le CETA portera atteinte à l'environnement, notamment à cause des émissions de gaz à effet de serre liées aux échanges transcontinentaux. Enfin, il existe des inquiétudes quant au tribunal qui a été créé spécifiquement pour régler des différends relatifs aux échanges entre le Canada et l'Union européenne. Bref, ce sont des motifs d'opposition assez divers.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.