L'Europe et le monde

L’économie mondiale au bord de la stagflation

L’économie mondiale au bord de la stagflation

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.

Ce 9 avril Donald Trump a mis en place de nouvelles surtaxes à l’importation. Qu’est-ce qui s’est passé exactement ?

C’est un tournant brutal dans la politique commerciale américaine. Début avril, Donald Trump a annoncé des hausses massives de droits de douane. Résultat : +20 % sur les produits venant de l’Union européenne, et +104 % sur ceux venant de Chine. Une vraie onde de choc. Depuis le 9 avril, ces surtaxes sont entrées en vigueur… enfin, presque.

Comment ça, « presque » ?

Eh bien, coup de théâtre : le président Trump a changé d’avis. Il a décrété un sursis de 90 jours pour les surtaxes contre ses partenaires commerciaux, y compris l’Europe. En clair, les nouvelles taxes sont suspendues. Seule la Chine se voit appliquer les taxes. Il faut dire que la réaction des marchés a été violente : la Bourse s’est effondrée, les prévisions d’inflation ont explosé – on parlait de 4,7 % – et le spectre d’une récession mondiale commençait sérieusement à inquiéter. Donald Trump a vu le danger arriver… et il a reculé.

Concrètement, quels produits étaient visés avant ce recul ?

Pour l’Europe, ça touchait de nombreux secteurs. Par exemple, les voitures européennes devaient être taxées à 25 %. L’acier et l’aluminium, aussi : on parle de 26 milliards d’euros d’exportations par an. Et il y avait aussi les produits agricoles, les équipements industriels, même du maquillage. Une liste très large. En revanche, certains produits avaient été épargnés comme le whisky, sous pression des lobbies américains et européens.

Et l’Europe, elle réagit comment ?

Elle prépare sa riposte si les choses dégénèrent à nouveau. Une première vague de mesures de rétorsion est sur la table. L’idée, c’est d’appliquer à son tour des droits de douane de 25 % sur des produits américains comme les volailles, le riz, les motos ou encore les yachts.

Est-ce que l’Europe est unie dans cette réponse ?

Pas tout à fait. Certains pays comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne veulent éviter d’envenimer la situation. Ils ont par exemple demandé que le soja ne soit pas taxé tout de suite. Et il y a encore des débats sur les services numériques. La France et l’Allemagne veulent cibler les géants comme Amazon, Meta ou Google, en utilisant le nouvel « instrument anti-coercition ». Mais l’Italie, la Hongrie ou l’Irlande sont plus prudentes.

Donald Trump est revenu en arrière, ça veut dire que la crise est évitée ?

Non, pas du tout. Ce n’est qu’un sursis. Les 90 jours, c’est une fenêtre pour discuter. Mais le président américain reste imprévisible. Ce qu’il fait un jour, il peut l’annuler le lendemain. Et ça, ça entretient une grande instabilité économique. Il suffit d’une déclaration pour que tout reparte.

Est-ce que cette instabilité impacte aussi l’économie américaine ?

Clairement. Comme le dit l’économiste John Plassard : « L’âge d’or des États-Unis ne se décrète pas. » La combinaison d’une inflation galopante et d’un ralentissement économique, c’est ce qu’on appelle la stagflation – et c’est le pire cauchemar pour une banque centrale. En plus, aux États-Unis, la richesse repose sur deux piliers : l’immobilier et les actions. Si les deux s’effondrent, c’est tout le patrimoine des ménages qui s’évapore.

Et face à tout ça, est-ce que l’Europe cherche d’autres solutions ?

Oui, tout à fait. L’UE a une vraie nécessité de diversifier ses partenariats commerciaux. Et c’est là qu’intervient l’Asie centrale. Lundi dernier, en Ouzbékistan, un sommet historique a eu lieu entre l’UE et les pays d’Asie centrale. Ursula von der Leyen a parlé d’un 'nouveau chapitre' dans les relations stratégiques. L’UE injecte 12 milliards d’euros dans cette région pour renforcer ce qu’on appelle la 'porte d’entrée mondiale'. Et ce ne sont pas que des actions symboliques : on veut raccourcir les routes commerciales et réduire notre dépendance à la Chine. L’Europe veut un partenariat équilibré, où la valeur ajoutée reste sur place.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.