La série « L’Europe et le Monde », par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Donald Trump a fait beaucoup parler de lui en Europe ces derniers jours. Pourquoi fait-il polémique ?
Trump est actuellement en campagne pour les élections présidentielles américaines. Lors d'un meeting en Caroline du Sud, il a dit qu'il ne protégerait pas les États membres de l'OTAN en cas d'attaque de la Russie. Il remet donc en cause un des principes fondamentaux du Traité de l'Atlantique Nord qui dispose dans son article 5 que l'ensemble de l'alliance doit réagir en cas d'attaque contre l'un de ses membres. Il est même allé plus loin en disant qu'il encouragerait la Russie à attaquer un membre qui ne paie pas à hauteur de ses engagements. C'est très rassurant pour les États de l'OTAN qui avoisinent la Russie !
Pourquoi Trump fait-il cette remarque ?
Ce n'est pas nouveau, on connaît l'antipathie de Trump pour l'OTAN. Il s'est déjà exprimé contre l'alliance et parallèlement le rôle prépondérant qu'exercent les États-Unis dans la défense de l'Europe. Ses critiques de l'OTAN sont fréquentes. Trump attaque régulièrement les États européens membres de l'organisation pour le manque d'investissement dans leur défense. Il n'est d'ailleurs pas le seul aux États-Unis à reprocher cela aux européens qui se reposeraient trop sur l'oncle Sam. Il existe même un terme pour cela, le burden sharing, qui se traduit par le partage du fardeau. Les États européens ont effectivement l'obligation conventionnelle de consacrer 2 % de leur produit intérieur brut annuellement à la défense. Cette règle des 2% a été instituée par les 31 membres de l'OTAN en 2014 suite à l'annexion russe de la Crimée.
Mais quels pays respectent la règle des 2% ?
Et bien pas beaucoup. Seulement un tiers dépensent plus de 2% de leur PIB annuellement dans leur défense. Il y a toutefois plus d'États qui atteignent cet objectif aujourd’hui qu’il y a dix ans, mais nous sommes encore loin de voir les 31 États respecter pleinement leur engagement.
Le PIB est peut-être un mauvais indicateur ?
C'est possible, en tout cas c'est sujet à controverse. Certains États comme le Luxembourg préféreraient que cette règle de dépenses minimum s'appuie plutôt sur le revenu national brut. Cet indicateur serait selon ces États plus juste et représentatif de leur capacité financière. D'autres pensent que le PIB est l'indicateur approprié. Donc en d'autres termes, il n'y a pas d'indicateur parfait et il y aura toujours des désaccords pour dépenser moins dans sa défense ou demander à d'autres d'investir plus.
Quelles ont été les réactions à la déclaration de Trump ?
Évidemment que les propos de Trump ont fait beaucoup réagir. Tout d'abord, probablement le premier intéressé: le secrétaire général de l'OTAN a dû rassurer les États en déclarant que "L'Otan reste prête et capable de défendre tous les Alliés" et "toute attaque contre l'Otan entraînera une réponse unie et énergique". Pour Biden, le rival de Trump à la présidence des États-Unis, il considère que ses mots sont "affligeants et dangereux". Mais Trump bénéficie toujours du soutien républicain, et même celui de Nikki Haley qui se présente contre lui pour l'investiture du parti.
Donc si les démocrates restent au pouvoir, l'OTAN est sauvé ?
C'est pas si sûr. Les démocrates eux-mêmes souhaitent concentrer leurs ressources ailleurs. Par exemple, un document officiel important publié en octobre 2022 mentionne que les États-Unis prioriseront leur présence militaire dans la zone indo-pacifique. Cela s'explique par les intérêts stratégiques que Washington souhaite préserver dans la région. Les États-Unis veulent aussi limiter l'influence croissante de la Chine qui pose une menace à la sécurité du pays. En outre, rappelons que les États-Unis ont du territoire dans la zone, ce qu'ils n'ont pas en Europe.
Et quelles conséquences auront les remarques de Trump sur l'avenir de l'OTAN d'un point de vue européen ?
D'un point de vue européen, l'heure n'est pas à l'optimisme non plus quant à l'avenir de l'OTAN. On se rappelle par exemple des mots d'Emmanuel Macron qui qualifiait l'état actuel de l'OTAN de mort cérébrale. La réponse européenne sera probablement d'avancer vers une défense plus autonome. Plus l'OTAN semble menacée, plus les États européens aspirent à développer leur propre défense. Les européens pensent effectivement ne plus pouvoir dépendre uniquement de l'OTAN, surtout face aux nouvelles menaces qui pèsent sur le continent.