L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Dans l’accord de paix israélo-palestinienne l’Europe a l’air un peu mise de côté.
Effectivement Laurence, c’est parce que pendant les deux ans de guerre à Gaza, l’Europe a surtout regardé. Elle a été divisée, lente, hésitante. Et aujourd’hui, même si la paix revient, c’est Washington, Doha, Le Caire et Ankara qui mènent la course, pas Bruxelles.
Pourtant, Ursula Von der Leyen a dit que l’Union soutenait le plan de paix.
C’est une tentative de revenir dans le jeu. La présidente de la Commission a promis des fonds pour reconstruire Gaza et même relancé la mission civile européenne à Rafah, à la frontière égyptienne. Mais soyons clairs : l’Europe essaie surtout de rattraper la course. Ce sont les Américains et les pays arabes qui ont négocié le plan. L’UE n’y figure même pas officiellement.
Donc Donald Trump a imposé sa vision ?
Absolument. Le plan Trump prévoit un gouvernement transitoire à Gaza, sans le Hamas, et dirigé par un Conseil de la paix présidé par Trump lui-même. Tony Blair y aurait un rôle. Mais aucun Européen n’est mentionné. Et ça, c’est symbolique : l’Europe est invitée à payer, pas à décider. En ce qui concerne Benjamin Netanyahou, il a dit que l’Europe était devenue « hors de propos » au Moyen-Orient. Pour lui, seuls les États-Unis comptent. Et il n’a pas complètement tort : pendant que Trump libérait les otages et obtenait le cessez-le-feu, l’Europe se contentait de déclarations d’inquiétude.
Pourtant, les Européens ont des intérêts directs dans la région, non ?
Oui, essentiels même. La sécurité, la migration, l’énergie… tout est lié au Proche-Orient. L’Europe ne peut pas se permettre d’être absente. Elle dépend du gaz, des routes commerciales, et elle a déjà vécu les conséquences des guerres régionales : terrorisme, réfugiés, tensions politiques. Donc, retrouver une influence dans cet échiquier, ce n’est pas juste une question d’image, c’est vital.
Et alors, que peut-elle faire concrètement pour redevenir un acteur crédible ?
D’abord, investir dans la reconstruction de Gaza. Les besoins sont énormes : plus de 50 milliards de dollars selon la Banque mondiale. L’Europe pourrait créer un grand fonds de redressement et surtout, s’assurer que cet argent serve à bâtir une vraie gouvernance locale. C’est là que son influence peut peser, même si elle n’a pas de soldats sur le terrain.
Justement, qu’en est-il de cette force internationale de stabilisation ?
Elle sera composée de l’Égypte, de Qatar et de la Turquie. Les États-Unis, eux, ne veulent pas envoyer de troupes. Et l’Europe, pour l’instant, n’a pas été invitée. Pourtant, celui qui est surplace, c’est souvent celui qui pèse le plus dans les décisions futures. Pour l’instant, l’Europe peut apporter de l’argent, de la stabilité, et un minimum de principes : la transparence, la réconciliation, et une vision à long terme. Si elle reste simple spectatrice, elle s’effacera durablement du Moyen-Orient. Et ce serait une erreur stratégique majeure pour le continent.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.