L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Ce mercredi la Commission européenne vient de présenter son rapport annuel sur l’élargissement. Où en est-on vraiment avec les pays candidats ?
Oui, c’est un moment clé pour l’Europe. Ursula von der Leyen a affiché sa volonté d’accélérer le processus, après plus de dix ans de pause depuis l’adhésion de la Croatie en 2013. L’idée est de bâtir une Europe plus forte face à la Russie, avec un bloc géopolitique élargi.
Donc c’est avant tout une décision stratégique ?
Exactement. L’élargissement est vu comme un outil politique, presque de défense. Mais la réalité est plus compliquée. Je rappelle, neuf pays sont candidats offciels à l’adhésion à l’UE : la Turquie, la Macédoine du Nord, la Serbie, la Moldavie, l’Ukraine, la Géorgie, l’Albanie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine. Sur les neuf, seuls le Monténégro et l’Albanie ont rempli une partie des critères. Pour eux, l’entrée dans l’Union devient vraiment envisageable. Pour Antonio Costa, président du Conseil européen, « le Monténégro peut être le 28e Etat membre en 2028 ».
Et pour les autres ?
Pour certains, c’est plus difficile. La Serbie, par exemple, reste trop proche de Moscou. Bruxelles lui demande un positionnement clair. En Géorgie, la situation démocratique se dégrade tellement vite que les négociations sont suspendues. La procédure engagée avec la Turquie reste gelée en raison « de sérieuses inquiétudes quant à l'adhésion de la Turquie aux valeurs démocratiques ».. Et quant à l’Ukraine, malgré des réformes importantes, elle doit encore renforcer son État de droit et lutter contre la corruption.
Et la Hongrie bloque toujours ?
Oui, elle oppose son veto à l’ouverture des négociations avec l’Ukraine et la Moldavie, ce qui bloque les deux dossiers en même temps.
On entend aussi parler d’une “intégration graduelle”. Qu’est-ce que ça veut dire ?
C’est une idée qui revient souvent. Au lieu d’attendre des années, certains proposent que les pays candidats puissent intégrer certaines politiques européennes avant d’être membres à part entière. Une sorte de période de “fiançailles”, comme disent certains diplomates. Ça permettrait d’encourager les candidats sans effrayer les États membres. Mais tous ne sont pas d’accord avec cette idée, la Commission reste prudente. Elle ne veut pas créer des “États de seconde zone”. Officiellement, tous les membres doivent avoir les mêmes droits, comme le veto ou un commissaire européen. Mais sur le terrain, certains pays sont déjà associés à des politiques de l’UE, comme le Monténégro qui participe déjà au système européen de paiements ou à la suppression des frais d’itinérance.
Et tout ça, ça ne pose pas un problème pour le fonctionnement de l’Union ?
Si, complètement. Avec trente ou trente-cinq membres, garder la règle de l’unanimité serait intenable. Il faut réformer la gouvernance, revoir les budgets, repenser la politique agricole…
Si on élargit sans réforme, on risque de créer une Europe à deux vitesses. Mais si on ne s’élargit pas, on laisse un vide politique que d’autres — la Russie ou la Chine — pourraient remplir. Car l’élargissement, c’est plus qu’une question d’adhésion, c’est une question de vision.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.