L'Europe et le monde

L’Europe prête à reprendre le flambeau ?

L’Europe prête à reprendre le flambeau ?

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.

Donald Trump a gelé l’aide militaire américaine à l’Ukraine. Concrètement, qu’est-ce que ça signifie pour Kiev ?

Eh bien, c’est un coup dur. Depuis le début de la guerre, Washington a fourni environ 66 milliards de dollars d’armes à l’Ukraine. Des chars, des drones, des missiles, de l’artillerie… Mais là, tout s’arrête. Deux programmes d’aide sont gelés : celui qui permettait d’envoyer du matériel directement depuis les stocks américains, et celui qui finançait des achats d’armes auprès d’entreprises américaines. En tout, ça représente un milliard de dollars bloqués, et ça pourrait aller plus loin.

Plus loin ? C’est-à-dire ?

Pour l’instant, Donald Trump n’a pas touché au partage de renseignements militaires ni à l’accès aux satellites Starlink, qui sont vitaux pour l’armée ukrainienne. Mais il pourrait le faire. C’est une pression énorme sur Volodymyr Zelensky.

L’Europe peut-elle compenser ce retrait des États-Unis ?

C’est la grande question. Officiellement, oui, l’Europe veut prendre le relais. Ursula von der Leyen a présenté un plan, “Réarmer l’Europe”. Il s’agirait de mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros pour renforcer la défense du continent et soutenir l’Ukraine. On de demande tous d’où est-ce qu’on va trouver cet argent. Plusieurs pistes sont sur la table. D’abord, 150 milliards d’euros en prêts aux États membres pour acheter du matériel militaire. Ensuite, utiliser les fonds de cohésion, normalement prévus pour aider les régions les plus pauvres de l’UE. Et puis, il y a un débat très sensible : saisir les avoirs russes gelés.

Ces fameux 250 milliards d’euros bloqués en Europe… Mais juridiquement, est-ce possible ?

C’est compliqué. En principe, non. Ces fonds appartiennent à la Banque centrale russe, et selon le droit international, on ne peut pas les confisquer. Emmanuel Macron a dit qu’on pouvait utiliser les intérêts générés, mais pas l’argent lui-même. Pourtant, certains, en France comme à Bruxelles, veulent aller plus loin. Il y a des précédents, notamment avec les avoirs iraniens et afghans saisis par les États-Unis. Donc, le débat est ouvert.

Mais est-ce que les Européens sont unis sur cette question ?

Pas du tout ! Certains pays, comme la Pologne ou l’Estonie, veulent accélérer l’aide. D’autres, comme la France ou l’Allemagne, sont plus prudents. Ils craignent que saisir ces fonds fasse fuir les investisseurs étrangers et affaiblisse l’euro.

Et pendant ce temps, sur le terrain, l’Ukraine peut tenir sans les États-Unis ?

Pour l’instant, oui, mais à quel prix ? L’Europe a déjà augmenté son soutien, mais elle n’a pas les mêmes capacités militaires que les Américains. Pour l’instant, la vraie question, ce n’est pas la paix, c’est : est-ce que l’Europe peut tenir seule maintenant que les Américains ont laché l’Ukraine ? Encore une fois, c’est à l’Europe de prendre les rênes des négociations de paix. Et pour ça il nous faut avant tout une unité et une capacité de défense à la hauteur pour pouvoir faire entendre notre voix.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.