Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio éclaire l’auditeur sur la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Selon Emmanuel Macron, des troupes occidentales pourraient être envoyées en Ukraine pour lutter contre l'invasion russe. Donc allons-nous vers une intervention militaire directe des occidentaux dans ce conflit ?
Selon le Président français: "Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre". Lors d'une conférence de presse, il n'a pas exclu la possibilité d'envoyer en Ukraine des soldats occidentaux pour que la Russie échoue dans son invasion. Il franchit ainsi l'une des lignes rouges quant à l'aide occidentale à l'Ukraine qui est de ne pas s'investir directement contre la Russie dans le conflit. Par 'directement', je veux dire des soldats occidentaux affrontant sur le champ de bataille des soldats russes.
La suggestion d'Emmanuel Macron est-elle partagée par les alliés occidentaux de la France ?
Non, pas du tout. Emmanuel Macron le reconnaît lui-même, il n'y a pas de consensus sur la question. Certains de ses homologues ont d'ailleurs rappelé que cette proposition n'était pas à l'ordre du jour du sommet se tenant à Paris cette semaine sur l'aide à l'Ukraine. Mais même si aujourd'hui l'idée d'envoyer des soldats européens sur le terrain ne bénéficie pas du soutien de la majorité des États occidentaux, peut-être que cela changera bientôt. L'envoi de soldats occidentaux en Ukraine semble pour le moment improbable, mais cela peut rapidement évoluer en fonction du progrès russe en Ukraine. La menace russe se rapprochant des États occidentaux dont les pays baltes, certains États seront peut-être plus ouverts à cette possibilité. Quant à l'Ukraine, sa réaction est volontairement discrète suite aux propos d'Emmanuel Macron, même si elle réaffirme avoir besoin d'aide d'une manière ou d'une autre.
Plus concrètement, comment pourraient s'investir les troupes occidentales sur le terrain en Ukraine ?
L'intervention occidentale en Ukraine pose effectivement de nombreuses questions pratiques. On imagine mal des puissances nucléaires se battre frontalement sur le champ de bataille. Donc l'intervention occidentale peut prendre des formes plus discrètes qu'un affrontement direct avec la Russie. Par exemple, des troupes occidentales peuvent être présentes sur place pour apporter un soutien technique, soigner ou renseigner les soldats ukrainiens. Lorsque Emmanuel Macron mentionne la possibilité d'envoyer des troupes occidentales en Ukraine, il n'exclut pas de type d'intervention ni de degré d'implication dans le conflit.
Pourquoi parle-t-on d'une «ambiguïté stratégique» dans la position d'Emmanuel Macron ?
Le Président français assume son ambiguïté qualifiée de stratégique. En d'autres termes, il ne précise pas la position de la France concernant l'envoi de troupes au sol en Ukraine, ni celle des autres États. Il reste flou aussi sur les modalités d'une éventuelle intervention. Seul le fait que cette option a été évoquée est mentionné. Cette ambiguïté est stratégique car laisse planer le doute sur cette possibilité, et peut ainsi limiter les ambitions russes. C'est le même principe qu'avec la dissuasion nucléaire. On ne mentionne pas quand ni comment elle sera utilisée, mais juste qu'elle est considérée.
Quels sont les principaux arguments en faveur de l'envoi de troupes occidentales en Ukraine ?
Et bien on peut mentionner plusieurs arguments qui sont avancés pour défendre cette option. L'envoi de troupes pourrait dissuader la Russie d'escalader davantage le conflit. Quant aux combats déjà engagés, les troupes occidentales renforceraient bien sûr les forces ukrainiennes. C'est aussi un message particulièrement fort de soutien que les occidentaux enverraient aux ukrainiens.
Et quelles sont les principales préoccupations concernant l'envoi de troupes au sol ?
Elles sont nombreuses. Évidemment le risque d'escalade est l'un des principaux. Le conflit risque de s'intensifier si les belligérants se multiplient. La Russie pourrait percevoir l'envoi comme un acte de guerre et réagir de manière agressive contre les États occidentaux. Par conséquent, d'autres options sont plébiscitées comme plus de soutien économique à l'Ukraine. Les États membres de l'Union ont approuvé le ce mois-ci un nouveau programme d’aide à l’Ukraine de 50 milliards d’euros et des accords bilatéraux de sécurité ont été signés avec des États membres importants.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.