L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde », sur euradio cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
La COP28 a lieu dans moins de deux mois. Du 30 novembre au 12 décembre prochain, des représentants du monde entier se réuniront à Dubaï pour négocier des mesures visant à limiter le changement climatique. La position commune de l'Union européenne a été adoptée ce lundi. Que contient-elle ?
Le point le plus important de cette position commune est l'élimination des combustibles fossiles brûlés sans captage de CO2. Autrement dit, toutes les énergies fossiles dont les émissions de dioxyde de carbone ne peuvent pas être valorisées ou stockées. La position commune prévoit également l'arrêt de toutes les subventions "aussi tôt que possible" aux énergies fossiles, sans pour autant prévoir un calendrier.
Des réticences de certains États de l'Union européenne se sont portées sur l'usage d'un seul mot.
Oui, l'adjectif "unabated". Le Conseil européen prévoit une "transition vers une économie climatiquement neutre" qui éliminera les "combustibles fossiles unabated". Mais que peut bien dire ce terme anglophone ? L'usage de ce terme n'est pas exclusif aux Européens. Il apparaît régulièrement lors de discussions internationales sur ce sujet. Mais la définition est volontairement ambiguë. La définition la plus consensuelle de la combustion d'énergies fossiles "unabated" est liée aux brûlages desdites énergies sans captage ni stockage du CO2 émis. Autrement dit, en ajoutant cet adjectif, seuls les combustibles ne pouvant pas être valorisés sont soumis à cet engagement.
Quelles furent les réactions lorsque le Conseil européen a annoncé conserver ce mot ?
Évidemment, certains États plus ambitieux sur les questions climatiques et des acteurs de la société civile furent déçus de l'usage de cet adjectif. L'une des craintes est que cet adjectif soit un échappatoire pour que les États et géants de l'énergie continuent de brûler des combustibles fossiles. La position française par exemple défend que les technologies de captage et stockage du CO2 soient uniquement affectées aux secteurs ne pouvant pas être décarbonés autrement.
Qui représentera les 27 à Dubaï lors de la COP28 ?
Le nouveau commissaire européen au Climat, le Néerlandais Wopke Hoekstra, a reçu un mandat pour négocier au nom des États membres. Il aura la lourde responsabilité d'encourager les nations participantes à être plus ambitieuses.
Et quels sont les objectifs des Européens en matière d'énergie propre lors de la COP28 ?
Les 27 encouragent les États du monde entier à adopter une production d'électricité entièrement décarbonée à l'horizon 2030. De plus, le mandat prévoit de "tripler les capacités d’énergies renouvelables" et de "doubler le rythme de progression en matière d’efficacité énergétique". Quant à l'objectif d'émissions de gaz à effet de serre, les Européens ont de droit l'obligation de réduire de 55% par rapport à 1990 leurs émissions, mais certains plaident pour un but plus grand, surtout si l'Union européenne veut se positionner à l'avant-garde de cet enjeux. Enfin, l'Europe encourage le renforcement des fonds destinés au développement durable des pays pauvres.
Pourquoi l'Europe n'est-elle pas plus ambitieuse si elle se vante d'être la pionnière de la lutte contre le dérèglement climatique ?
Évidemment en raison de son fonctionnement institutionnel. Le mandat européen pour négocier à la COP28 dépend d'un accord entre les 27. Certains États dépendant grandement des énergies fossiles ne sont pas favorables aux initiatives de Bruxelles, sans compter les réticences idéologiques de quelques gouvernements. Les États européens n'ont donc pas réévalué à la hausse leur objectif de 55% déjà prévu par la loi.
C'est donc un mandat timide qu'ont accordé les États membres au Commissaire au climat.
Malheureusement oui. Les objectifs que les Européens se sont fixés pour les négociations ne sont pas plus ambitieux que ceux déjà établis dans la loi. L'Europe manque ainsi d'audace sur des enjeux cruciaux. Notre continent se doit pourtant d'être à la hauteur et à l'avant-garde de la lutte contre le dérèglement climatique !
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.