L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » réalisée par Justin Horchler et diffusée sur euradio, cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
L'Azerbaïdjan a mené une offensive éclaire victorieuse contre la république autoproclamée du Haut-Karabakh. La quasi-totalité de la population serait en exil et des responsables politiques européens accusent l'Azerbaïdjan d'épuration ethnique. Qu'est ce qui explique cette nouvelle guerre aux portes de l'Europe ?
Le Haut-Karabakh est une région dont la population est majoritairement arménienne. Cependant, elle fait officiellement partie de l'Azerbaïdjan. Après la dissolution de l'URSS en 1991, le Haut-Karabakh a proclamé son indépendance non reconnue par la communauté internationale. Depuis trois décennies, les forces indépendantistes du Haut-Karabakh soutenues par Erevan se battent contre l'armée azérie. Désormais occupée par Bakou, la république autoproclamée du Haut-Karabakh a annoncé sa dissolution complète.
Les sources de ce conflit sont-elles anciennes ?
Oui, assez anciennes. Le Haut-Karabakh est une région montagneuse du Caucase dont la souveraineté a été transférée plusieurs fois depuis l'Antiquité. D'abord intégré au royaume arménien puis annexé par différentes puissances, le Haut-Karabakh devient russe en 1813 jusqu'en 1991. Depuis, le territoire est disputé. Pour les Azéris, c'est une question de fierté nationale que d'avoir le contrôle total du Haut-Karabakh, pour les Arméniens, une question essentielle.
Plusieurs responsables politiques ont accusé l'Azerbaïdjan de vouloir commettre un nettoyage ethnique dans la région. D'où viennent ces accusations ?
La guerre est très récente; il est encore difficile de dire si des crimes ont été commis sur place. Une équipe de l’ONU a été envoyée récemment au Haut-Karabakh pour enquêter. Des atrocités auraient été commises selon certains témoins, sans compter l'exode massif des populations arméniennes. La peur du nettoyage ethnique s'appuie aussi sur une longue histoire de tensions ethniques entre l'Arménie d'un côté, et la Turquie et l'Azerbaïdjan d'un autre. Pour rappel, l'Azerbaïdjan et la Turquie sont très proches, tous deux la même nation mais deux États selon un adage. Ils ont depuis longtemps adopté une rhétorique anti-arménienne très claire.
La région du Haut-Karabakh est au carrefour de tensions géopolitiques complexes.
En effet, les populations arméniennes d'Arménie et du Haut-Karabakh sont frontalières des populations turcophones de Turquie et d'Azerbaïdjan. Certains rêvent d'une grande Turquie qui s'étend jusqu'à la mer Caspienne. Parallèlement, l'Azerbaïdjan détient une enclave peuplée d’Azéris mais séparée par l'Arménie et espère obtenir un corridor pour connecter ce territoire au reste du pays. De son côté, le voisin iranien, peuplé d'un grosse minorité Azérie, soutient l'Arménie, alors qu'Israël appuie les forces Azéris. A ces tensions ethniques et géopolitiques complexes s'ajoute la dimension religieuse. Bref, c'est une situation tendue et la solution n'est pas évidente.
Quel rôle jouent l'Union européenne et les États membres dans ce conflit ?
Des responsables politiques européens ont condamné les actions de l'Azerbaïdjan. Toutefois, la réponse de l'Union européenne et les 27 a été timide. L'Union européenne a depuis la guerre de 2020 du Haut-Karabakh joué un rôle de médiation et cherché à concrétiser un traité de paix. Elle a aussi fourni une aide humanitaire. Mais pour l'instant, aucune sanction n'a été annoncée.
Quels leviers de pression a l'Union européenne sur les belligérants ?
Justin: L’Azerbaïdjan est un grand exportateur d'hydrocarbures. L'Europe achète à ce pays de grandes quantités de gaz, surtout depuis la guerre en Ukraine. L'économie Azérie dépend grandement de cette ressource, et l'Union a ici une monnaie d'échange pour négocier la paix et le droit international au haut-karabakh.
Pour conclure, pourquoi ce conflit est-il si inquiétant ?
Bien sûr, pour la sécurité et les droits des populations locales, mais aussi pour la stabilité de la région. Le Caucase est sujet à diverses tensions géopolitiques qu'il ne faudrait pas exacerber par une nouvelle guerre. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et la souveraineté de tous les États doivent être une priorité de l'ensemble des acteurs impliqués, et évidemment l'objectif de paix durable.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.