L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.
Qu’est-ce qui se passe exactement en ce moment dans le domaine de la défense en Europe ?
Les dirigeants européens se sont réunit ce 3 février à Bruxelles pour discuter des dépenses de défense. Ce sujet est de plus en plus au centre des discussions. Plusieurs pays, comme la Pologne, ont déjà augmenté leurs dépenses de défense jusqu’à 5% de son PIB à la défense. Mais la vraie question est de savoir comment l'UE va financer cette défense commune ? La Banque européenne d'investissement a annoncé qu'elle allait augmenter ses investissements dans des projets de défense.
En quoi ça consiste réellement ?
En 2025, la BEI prévoit d'investir 2 milliards d'euros dans des projets liés à la défense. C'est deux fois plus que ce qu'elle prévoyait pour 2024. La banque va même élargir ses critères. Il s’agit de financer des projets à usage principalement militaire, mais à condition qu'ils aient aussi une application civile. C'est un point crucial pour l'UE.
Certains pays, comme la Pologne, vont encore plus loin suggérant d'utiliser des euro-obligations. C'est une solution envisageable ?
Oui, tout à fait. Les euro-obligations, ce sont des emprunts communs que l'UE pourrait émettre pour financer des projets de défense. Certains pays, comme la Pologne ou la Lituanie, soutiennent cette idée, car ils estiment qu'il faut agir vite pour renforcer la défense européenne. D’autres comme les Pays-Bas, sont plus réticents à l'idée d'augmenter la dette.
La France semble se démarquer dans les discussions sur la défense européenne, non ?
Oui, la France veut que les fonds européens servent à soutenir l’industrie de défense européenne, pour garantir l’autonomie de l’Europe. Elle préfère que l’Europe produise ses propres armes plutôt que de les acheter à l'étranger. Mais d’autres pays, comme la Pologne, veulent aussi utiliser ces fonds pour acheter des équipements américains ou sud-coréens, ce qui crée des tensions au sein de l'UE.
Et quelles sont les relations du Royaume-Uni avec l'UE en matière de défense ?
Le Royaume-Uni, même après le Brexit, veut renforcer ses liens avec l'UE en matière de défense. Le Premier ministre britannique, a récemment évoqué un pacte de sécurité entre l'UE et le Royaume-Uni. Il veut coopérer sur des sujets comme la recherche et le développement militaire, la protection des infrastructures critiques, et la mobilité militaire. Cependant, la question de savoir si les fonds de l'UE pourront financer des équipements britanniques reste ouverte.
Donc, le Royaume-Uni pourrait participer à des projets européens de défense, même s'il n'est plus membre de l'UE ?
Exactement. Même s'il n'est plus dans l'UE, le Royaume-Uni veut continuer à contribuer à la sécurité du continent. Cela pourrait être bénéfique pour les deux parties, en particulier dans le cadre de l'OTAN.
Et concernant l'Ukraine, la Pologne et d'autres pays appellent à une plus grande solidarité européenne. L'UE pourrait-elle vraiment s'unir autour de la défense européenne ?
C'est la grande question. Il y a un vrai besoin de solidarité, surtout face aux menaces actuelles. Mais l'union des États membres sur le financement de la défense n'est pas encore acquise. Les intérêts nationaux varient. Certains veulent acheter des armes auprès de fournisseurs étrangers et d’autres faire bénéficier les fonds européens à l'industrie de défense européenne.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.
