L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.
Après des élections contestées, des milliers de Géorgiens manifestent pour défendre leur avenir européen. Que se passe-t-il exactement ?
La situation en Géorgie est explosive. Depuis les élections de fin octobre, le pays est en pleine crise. Le parti pro-russe, proche du Kremlin, a remporté la majorité au parlement. Mais ces résultats sont vivement contestés par une partie de la population et par l’opposition. On parle de pressions sur les électeurs, d’irrégularités massives et d’un processus électoral loin d’être transparent. Face à cela, des milliers de Géorgiens manifestent chaque soir, depuis cinq jours maintenant. Ils réclament deux choses : l’annulation des élections et la reprise du chemin européen. Ils perçoivent ces élections comme un recul vers l’influence russe. Pour eux, l’Europe représente l’avenir, une garantie de démocratie et de liberté.
Quels sont les messages que portent les manifestants ?
Ils sont très clairs. 'Non à la Russie, oui à l’Europe', c’est le slogan qui revient le plus. D’un côté, les manifestants veulent que les résultats des élections soient annulés. Ils estiment que le parti pro-russe n’a pas été légitimement élu. De l’autre, ils demandent que la Géorgie reste sur la voie de l’Union européenne.
Il faut savoir que depuis 2014, la Géorgie avait un accord d’association avec l’Europe. Le pays avait déjà mis en place des réformes en vue d’une possible adhésion. Mais ce nouveau gouvernement pro-russe pourrait tout remettre en question, et les citoyens refusent de voir leur pays faire marche arrière. Ils voient l’Europe comme une chance, et la Russie comme une menace.
Quelle est la position de l’Union européenne face à cette crise ?
Bruxelles est très inquiète. La Commission européenne a décidé de suspendre temporairement les négociations d’adhésion avec la Géorgie. Elle demande des garanties. L’Union insiste sur des élections justes, des réformes démocratiques et un engagement clair envers les valeurs européennes. Sans cela, il n’y aura pas de progrès. Mais l’Union européenne reste prudente : toute ingérence sera un prétexte pour Moscou pour intensifier son influence. L’équilibre est délicat : soutenir les aspirations du peuple géorgien sans aggraver les tensions.
Pourquoi cette situation est-elle importante pour l’Europe ? Quels sont les enjeux à plus grande échelle ?
Les enjeux sont considérables. D’abord, il y a la stabilité du Caucase. C’est une région stratégique, au carrefour de l’Europe, de l’Asie et du Moyen-Orient. Si la Géorgie bascule vers Moscou, cela renforcera l’influence russe dans une région où l’Europe cherche à se faire une place.
Ensuite, c’est une question de valeurs. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne s’est positionnée comme le défenseur des démocraties européennes. Si elle abandonne la Géorgie, cela pourrait décourager d’autres pays comme l’Ukraine ou la Moldavie, qui espèrent aussi rejoindre l’Union.
Enfin, c’est une bataille d’influence avec la Russie. Pour Moscou, la Géorgie reste une pièce clé de son ancien espace soviétique. Le Kremlin veut affaiblir l’Europe en divisant ses partenaires potentiels. Pour l’Union, soutenir les aspirations démocratiques de la Géorgie, c’est aussi envoyer un signal clair à la Russie : les choix souverains des peuples doivent être respectés.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.