L'Europe et le monde

Sommet de Paris sur l'IA

Sommet de Paris sur l'IA

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.

Ce 10 février s’est tenu à Paris le Sommet sur l’intelligence artificielle. Qu’est-ce qu’on doit retenir ?

Ce sommet était un moment clé pour l’Europe. Il était organisé par Emmanuel Macron, qui voulait replacer la France et l’Europe dans la course à l’IA. Plus de 5 000 experts et 80 dirigeants du monde entier se sont réunis pour discuter des enjeux de l’intelligence artificielle. L’Europe veut affirmer qu’elle n’est pas seulement une puissance régulatrice, mais aussi un acteur compétitif et innovant dans ce domaine.

Aujourd’hui, ce sont les États-Unis qui dominent largement le secteur de l’IA. Quelle a été leur réaction face aux annonces européennes ?

JD Vance, le vice-président américain, ne s’est pas retenu de s’exprimer. Il a critiqué la réglementation européenne, qu’il juge trop contraignante et peu favorable à l’innovation. Selon lui, si l’Europe continue à multiplier les règles, elle risque de se mettre elle-même hors-jeu dans la compétition mondiale. Il a insisté sur le fait que les États-Unis entendent bien garder leur leadership technologique, en misant sur un cadre plus flexible et un fort soutien aux entreprises du secteur.

On assiste donc à un véritable bras de fer entre Washington et Bruxelles ?

Absolument. Ce sommet a clairement montré que deux visions s’opposent. D’un côté, les États-Unis privilégient une approche axée sur la croissance rapide et la prise de risque. De l’autre, l’Europe veut encadrer le développement de l’IA pour garantir une utilisation éthique et responsable.

Et comment l’Europe entend-elle répondre à ces critiques ?

L’Europe ne compte pas se laisser distancer. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a annoncé un plan ambitieux de 50 milliards d’euros. L’objectif est clair : stimuler l’innovation et attirer des investissements dans l’IA. Ce programme comprend notamment la création de supercalculateurs et d’infrastructures dédiées pour accélérer le développement de l’intelligence artificielle en Europe.

L’Europe adopte donc une posture plus offensive ?

Tout à fait, et c’est une évolution importante. Emmanuel Macron a lui aussi frappé fort en annonçant 109 milliards d’euros d’investissements pour la construction de centres de données et le développement de projets IA en France. En parallèle, un consortium de 150 milliards d’euros a été lancé. C’est un tournant stratégique : l’Union européenne veut créer ses propres leaders technologiques et ne plus se contenter de réglementer.

Est-ce une stratégie qui a des chances de porter ses fruits ?

C’est encore trop tôt pour le dire. L’Europe tente de combler son retard sur les États-Unis et la Chine, mais ces investissements sont un signal fort. L’objectif est d’attirer les talents et les capitaux, tout en favorisant un environnement plus propice à l’innovation. Toutefois, il faudra voir si ces mesures suffisent pour concurrencer les géants américains et chinois, qui ont une avance considérable.

Et sur le plan éthique, où en est-on ?

Une déclaration commune sur une IA éthique et durable était prévue lors du sommet, mais le texte final a été considérablement allégé. L’Europe pousse pour une intelligence artificielle centrée sur l’humain et respectueuse des droits fondamentaux, mais les États-Unis restent méfiants face à toute forme de régulation contraignante. Cela reflète une fois de plus le dilemme entre innovation et régulation.

En conclusion, l’Europe est-elle prête à s’imposer comme un acteur majeur de l’IA ?

Elle s’en donne en tout cas les moyens. Ce sommet a marqué un tournant avec une Europe qui mise davantage sur l’investissement et l’innovation. L’Europe devra prouver qu’elle peut rivaliser avec les géants américains et chinois dans la bataille de leadership de l’IA.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.