Aujourd'hui, nous retrouvrons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans". Aujourd'hui, Sakina, vous allez nous parler des diatomées qui, d'après vous, sont des microalgues pas comme les autres.
Tout-à-fait ! On parle de "microalgues" pour parler d'algues microscopiques. Parmi celles-ci, on distingue les diatomées, qui sont des microalgues de couleur brune.
Des algues de couleur marron, et non de couleur verte alors ?
En effet. Parmi les algues on distingue classiquement 3 grandes lignées que l'on appelle par leur couleur, et donc de leurs pigments photosynthétiques, ces molécules qui leur permet de capter l'énergie lumineuse pour réaliser la photosynthèse.
Il y a ainsi les algues vertes, comme la laitue de mer qui vient parfois s'échouer en grand nombre sur les plages, et qui sont les soeurs des plantes terrestres.
Il y aussi leurs cousines les algues rouges. D'ailleurs, dans les sushis, l'algue utilisée est une algue rouge, appelée nori ou Porphyra. Et puis il y a les algues brunes, comme le fucus, une grande algue brune, que l'on rencontre facilement à marée basse en particulier sur les côtes plutôt rocheuses, et comme les diatomées, des microalgues brunes donc.
Enfin, il y a ce que l'on appelait auparavant les algues bleues, qui sont en fait des bactéries photosynthétiques, ou cyanobactéries, dont certaines sont les ancêtres des diatomées.
Et qu'ont-elles de si particulier, ces diatomées ?
Les diatomées sont des chimères, qui ont piqué leurs gènes à gauche et à droite. Chez les cyanobactéries, ces bactéries photosynthétiques,
les pigments photosynthétiques sont libres dans la cellule. En revanche, chez les algues, tout comme chez les plantes terrestres, les pigments sont localisés dans ce que l'on appelle des chloroplastes. On pense que des cyanobactéries auraient été mangées par d'autres cellules, qui, par hasard, n'auraient pas entièrement digéré leur repas, et c'est ainsi que les chloroplastes seraient apparus chez les ancêtres des algues vertes et des algues rouges. Cet évènement, très rare, se serait ensuite produit une seconde fois pour donner naissance aux ancêtres des diatomées. Et pour couronner le tout, ces ancêtres de diatomées auraient ensuite piqué des gènes à leurs cousines les algues vertes (on parle de transfert horizontal de gènes) et c'est ainsi que les diatomées seraient apparues !
Drôle d'histoire en effet. Et à quoi ressemble une diatomée ?
Il y a surtout deux grandes formes de diatomées : celles qui ressemblent à de microscopiques boites de camemberts, les diatomées centriques, et celles qui sont plutôt allongées, les diatomées pennées. Ces formes, magnifiques à observer au microscope, ont même inspirées un certains nombres d'artistes, qui s'inspirent ce qui se faisait en Angleterre à l'époque Victorienne avec des ailes de papillons pour former des motifs géométriques. Tapez les mots clefs "diatomées" et "art", ou même "diatom art" en anglais, sur votre moteur de rechercher préféré, vous serrez impressionnés ! Mais, surtout, comparées aux autres algues microscopiques, les diatomées possèdent un exosquelette en silice.
La silice, c'est bien ce qui constitue le sable ou le verre ?
Oui, tout à fait. Cet exosquelette en silice, appelé frustule, forme une sorte de maison de verre miniature, permettant en particulier de concentrer les rayons lumineux vers les chloroplastes, tout en polarisant la lumière et donc en sélectionnant les longueurs d'onde les plus utiles pour la photosynthèse. En nanotechnologie, on s'inspire d'ailleurs de la structure nanométrique très complexes des frustules de diatomées, qui sont donc de petites usines photosynthétiques très efficaces.
On estime ainsi que les diatomées sont responsables de plus de 40% de la photosynthèse, et donc de la production d'oxygène, dans les océans. Les frustules des diatomées étant très solides, lorsque les cellules meurent les frustules sédimentent et forment des gisements de silice. C'est d'ailleurs ainsi qu'est obtenu ce qu'on appelle la terre de diatomées, une sorte de poudre de verre, utilisée pour son pouvoir abrasif c'est un insecticide "bio" très efficace. Et on utilise même cette silice issue des diatomées dans la composition de certains dentifrices.
Et on trouve des diatomées dans tous les océans du globe ?
Oui, mais là où elles sont le plus abondantes, c'est dans les zones riches et turbulentes, comme les estuaires, mais aussi comme dans l'océan Austral. On pense qu'en milieu côtier, les huitres et les moules se nourrissent principalement de diatomées.
Mais il existe aussi des diatomées en eau douce, où elles sont utilisées en routine comme bioindicateur de la qualité des cours d'eau. Et puis les diatomées sont également utilisées par la police scientifique pour confirmer les morts par noyade !
Toutes les diatomées sont donc planctoniques ?
Non, pas toutes. On distingue les diatomées planctoniques, qui vivent donc dans la colonne d'eau, des diatomées qui vivent accrochées au fond et forment un tapis un peu duveteux et marron que l'on appelle biofilm et qui recouvre les cailloux au fond des cours d'eau. Et puis il existe aussi des diatomées qui vivent très légèrement enfouies à la surface du sable, et qui remonte à la surface des plages à marée basse pour capter la lumières. On peut ainsi les repérées sur le sable mouillé à marée basse et on les reconnait à leur teinte marron. Ces biofilms de diatomées sont très reconnaissables, alors cherchez les la prochaine fois que vous irez vous promener au bord d'une rivière ou en bord de mer !
Nous essaierons ! Merci Sakina et à la semaine prochaine.
Sakina Ayata au micro de Laurent Petetin