Plongée dans les océans - Sakina Ayata

Les diatomées, des microalgues pas comme les autres - Plongée dans les océans #5

Les diatomées, des microalgues pas comme les  autres - Plongée dans les océans #5

Aujourd'hui, nous retrouvrons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans". Aujourd'hui, Sakina, vous allez nous parler des diatomées qui, d'après  vous, sont des microalgues pas comme les autres. 

Tout-à-fait ! On parle de "microalgues" pour parler d'algues  microscopiques. Parmi celles-ci, on distingue les diatomées, qui sont  des microalgues de couleur brune. 

Des algues de couleur marron, et non de couleur verte alors ? 

En effet. Parmi les algues on distingue classiquement 3 grandes  lignées que l'on appelle par leur couleur, et donc de leurs pigments  photosynthétiques, ces molécules qui leur permet de capter l'énergie  lumineuse pour réaliser la photosynthèse. 

Il y a ainsi les algues vertes, comme la laitue de mer qui vient parfois  s'échouer en grand nombre sur les plages, et qui sont les soeurs des  plantes terrestres. 

Il y aussi leurs cousines les algues rouges. D'ailleurs, dans les sushis,  l'algue utilisée est une algue rouge, appelée nori ou Porphyra. Et puis il y a les algues brunes, comme le fucus, une grande algue  brune, que l'on rencontre facilement à marée basse en particulier sur  les côtes plutôt rocheuses, et comme les diatomées, des microalgues  brunes donc.  

Enfin, il y a ce que l'on appelait auparavant les algues bleues, qui sont  en fait des bactéries photosynthétiques, ou cyanobactéries, dont  certaines sont les ancêtres des diatomées.

Et qu'ont-elles de si particulier, ces diatomées ? 

Les diatomées sont des chimères, qui ont piqué leurs gènes à gauche  et à droite. Chez les cyanobactéries, ces bactéries photosynthétiques, 

les pigments photosynthétiques sont libres dans la cellule. En  revanche, chez les algues, tout comme chez les plantes terrestres, les  pigments sont localisés dans ce que l'on appelle des chloroplastes. On  pense que des cyanobactéries auraient été mangées par d'autres  cellules, qui, par hasard, n'auraient pas entièrement digéré leur repas,  et c'est ainsi que les chloroplastes seraient apparus chez les ancêtres  des algues vertes et des algues rouges. Cet évènement, très rare, se  serait ensuite produit une seconde fois pour donner naissance aux ancêtres des diatomées. Et pour couronner le tout, ces ancêtres de  diatomées auraient ensuite piqué des gènes à leurs cousines les algues  vertes (on parle de transfert horizontal de gènes) et c'est ainsi que les  diatomées seraient apparues !

Drôle d'histoire en effet. Et à quoi ressemble une diatomée ? 

Il y a surtout deux grandes formes de diatomées : celles qui  ressemblent à de microscopiques boites de camemberts, les diatomées  centriques, et celles qui sont plutôt allongées, les diatomées pennées. Ces formes, magnifiques à observer au microscope, ont même  inspirées un certains nombres d'artistes, qui s'inspirent ce qui se faisait en Angleterre à l'époque Victorienne avec des ailes de papillons pour  former des motifs géométriques. Tapez les mots clefs "diatomées" et  "art", ou même "diatom art" en anglais, sur votre moteur de rechercher  préféré, vous serrez impressionnés ! Mais, surtout, comparées aux  autres algues microscopiques, les diatomées possèdent un exosquelette  en silice.  

La silice, c'est bien ce qui constitue le sable ou le verre ?

Oui, tout à fait. Cet exosquelette en silice, appelé frustule, forme une  sorte de maison de verre miniature, permettant en particulier de  concentrer les rayons lumineux vers les chloroplastes, tout en  polarisant la lumière et donc en sélectionnant les longueurs d'onde les  plus utiles pour la photosynthèse. En nanotechnologie, on s'inspire  d'ailleurs de la structure nanométrique très complexes des frustules de  diatomées, qui sont donc de petites usines photosynthétiques très  efficaces.

On estime ainsi que les diatomées sont responsables de plus de 40%  de la photosynthèse, et donc de la production d'oxygène, dans les  océans. Les frustules des diatomées étant très solides, lorsque les  cellules meurent les frustules sédimentent et forment des gisements de  silice. C'est d'ailleurs ainsi qu'est obtenu ce qu'on appelle la terre de  diatomées, une sorte de poudre de verre, utilisée pour son pouvoir  abrasif c'est un insecticide "bio" très efficace. Et on utilise même cette  silice issue des diatomées dans la composition de certains dentifrices.

Et on trouve des diatomées dans tous les océans du globe ?

Oui, mais là où elles sont le plus abondantes, c'est dans les zones  riches et turbulentes, comme les estuaires, mais aussi comme dans  l'océan Austral. On pense qu'en milieu côtier, les huitres et les moules  se nourrissent principalement de diatomées. 

Mais il existe aussi des diatomées en eau douce, où elles sont utilisées  en routine comme bioindicateur de la qualité des cours d'eau. Et puis les diatomées sont également utilisées par la police  scientifique pour confirmer les morts par noyade !

Toutes les diatomées sont donc planctoniques ?

Non, pas toutes. On distingue les diatomées planctoniques, qui vivent  donc dans la colonne d'eau, des diatomées qui vivent accrochées au  fond et forment un tapis un peu duveteux et marron que l'on appelle  biofilm et qui recouvre les cailloux au fond des cours d'eau. Et puis il existe aussi des diatomées qui vivent très légèrement  enfouies à la surface du sable, et qui remonte à la surface des plages à  marée basse pour capter la lumières. On peut ainsi les repérées sur le  sable mouillé à marée basse et on les reconnait à leur teinte marron.  Ces biofilms de diatomées sont très reconnaissables, alors cherchez les la prochaine fois que vous irez vous promener au bord d'une  rivière ou en bord de mer !

Nous essaierons ! Merci Sakina et à la semaine prochaine.

Sakina Ayata au micro de Laurent Petetin