Nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans".
Sakina, cette semaine vous allez à nouveau nous parler des algues, et cette fois il va être question du goémon.
Oui, en effet. Le goémon, aussi appelé varech, regroupe les algues ramassées sur les plages à marée basse, soit celles échouées sur le sable, ou bien celles récoltées en les coupant sur les rochers. On peut aussi les récolter à marée haute à l'aide de bateaux. Le goémon est ramassé par le goémonier, qui est donc un pêcheur/cueilleur d'algues !
Le goémon regroupe donc tout un tas d'algues différentes alors ?
Oui, exactement. On y trouve principalement de grandes algues brunes, mais aussi des algues vertes et des algues rouges. Parmi les grandes algues brunes, je vous ai déjà parlé du fucus, mais on trouve aussi un peu plus bas sur l'estran des laminaires, qui sont de très grandes algues en forme de ruban et qui mesurent de 1 à 4 mètres de long et dont je vous parlerai peut-être plus en détails une prochaine fois. Ces laminaires forment des populations très denses, en particulier là où elles ne sont jamais découvertes par la marée, et elles constituent ainsi de grandes forêts sous-marines.
Et donc ces algues sont récoltées à la main ou même par bateau alors ?
Oui, on peut dire que le goémonier, avec son bateau, moissonne des champs d’algues ! Le goémonier désigne aussi le bateau particulier qui est utilisé pour ça. Son fond est plat et il possède un bras mécanique articulé capable de plonger dans l'eau, et qui se termine par un crochet tournant appelé « scoubidou », qui ressemble un peu à un tire-bouchon, et qui permet d'enrouler et d'arracher les grandes algues brunes, en particulier les laminaires de l'espèce Laminaria digitata entre 0 et 7 mètres de fond. La récolte d'algue par bateau a lieu de mai à octobre, pour permettre une bonne gestion de la ressource en algue. Dans les zones plus profondes, on utilise aussi parfois une drague trainée près du fond, appelée peigne norvégien, et qui permet en particulier de récolter la grande algue brune Laminaria hyperborea, que l'on trouve entre 5 et 20 mètres de profondeur.
Et ça fait longtemps que l'on récolte le goémon ?
Oui, ça fait plusieurs siècles. La récolte du goémon sur les côtes bretonnes est même inscrite à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France. Traditionnellement, le goémon servait un peu à tout : pour se chauffer, comme engrais dans les champs, pour nourrir le bétail, ou encore dans certains plats ou préparations cosmétiques. Le goémon a aussi un usage industriel. Pendant un temps, il a été brûlé dans des fours à goémon pour fabriquer de la soude à partir de ses cendres. Les cendres étaient alors utilisées pour fabriquer du savon ou pour baisser la température de fusion de la silice dans le cadre de la fabrication du verre. Les cendres de goémon ont aussi été utilisées pour en extraire de l'iode, utilisée en médecine ou pour la photographie.
Et aujourd'hui à quoi sert principalement le goémon ?
Aujourd'hui l'utilisation industrielle des algues est surtout destinée à la production de gélifiants et d'épaississants, aussi bien pour l'agro-alimentaire que pour la cosmétique ou la pharmacie. A partir des grandes algues brunes comme le fucus ou les laminaires, on peut produite des alginates. Et à partir des algues rouges ont produit des carraghénanes ou de l'agar-agar. On retrouve ces agents de texture dans nos aliments sous les doux noms allant de E 400 à E 405 pour les alginates, de E406 pour l'agar-agar et de E407 pour les carraghénanes. Il y en a probablement dans vos desserts lactés ou vos crèmes glacées préférées.
Et si vous souhaitez en savoir plus sur la récolte des algues, je vous encourage à aller visiter l'écomusée de Plouguerneau, dans le Finistère, qui retrace l’histoire des goémoniers et de la récole des algues en Bretagne. Vous pouvez aussi visiter la Maison de l'Algue à Lanildut ou la conserverie Algoplus à Roscoff.
Une dernière question Sakina, peut-on aussi cultiver des algues ?
Oui, il est possible de les cultiver. Je vous en parlerai une prochaine fois.
Sakina Ayata au micro de Cécile Dauguet
Tous les épisodes de "Plongée dans les océans" sont à retrouver ici