Aujourd'hui, nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université, pour sa chronique "Plongée dans les Océans" sur euradio.
Aujourd'hui
vous allez nous parler de limaces de mer.
Oui, en effet, on appelle couramment "limaces de mer" des mollusques gastéropodes marins dépourvus de coquille, qui font penser à des limaces. Aujourd'hui, je vais en particulier vous parlez des nudibranches, dont le nom provient du latin et signifie "branchies nues".
Et à quoi ressemblent les nudibranches, si ce n'est à une sorte de limace qui vit dans la mer ?
À vrai dire, les nudibranches ont des formes très variées et sont de toutes les couleurs. D'ailleurs, les photographes sous-marins en font des modèles de choix. En général, les nudibranches mesurent 5 à 6 cm de long, mais certaines espèces peuvent atteindre plusieurs dizaines de centimètres. Ils vivent le plus souvent sur le fond, et rampent à même le sol, même si certains sont pélagiques, c'est-à-dire qu'ils vivent librement dans la colonne d'eau. Leur tête possède en général deux paires de tentacules, souvent rétractiles, comme chez les escargots terrestres. La première paire de tentacule sert à palper l'environnement, et la deuxième paire, formée par deux tentacules appelés rhinophores, sert à sentir l'environnement. "Rhinophores", en grec, ça signifie qui porte un nez. Ces organes sensoriels leur permettent de détecter à l'odeur la présence de nourriture ou de prédateurs, mais aussi de trouver leur partenaire sexuel.
Et à quoi ressemble leur corps ? Il est lisse comme chez les limaces terrestres ?
Et bien, ça dépend. Chez certains nudibranches, le corps est plutôt aplati avec un panache de branchies à l'arrière du corps. Chez d'autres, les branchies font tout le tour du corps comme une couronne. Enfin, certains nudibranches ont tout le dos recouvert de papilles qui servent de branchies.
Pour nous donner une vague idée de la diversité de leur aspect, pourriez vous nous donner quelques exemples ?
Et bien, il existe par exemple la Doris à deux anneaux, qui vit dans l'océan Indien et en Mer Rouge, mais que l'on peut aussi retrouver en Méditerranée depuis qu'elle a traversé le canal de Suez. Ce nudibranche est blanc à pois jaunes. Ses branchies, regroupées en panache à l'arrière du corps, ainsi que ses deux rhinophores, sont blanc et violet. Et il possède une petite bande violette autour du corps, ainsi que 2 anneaux violets autour des branchies et des rhinophores. Autre exemple : en Atlantique Nord-Est, en Manche et en Méditerranée on peut trouver la Doris blanc à couronne d'or, qui est blanc, aplati, et cerclé d'une bande jaune dorée, ou encore la Doris dalmatienne, qui est blanche et recouverte de tâches marron foncé, comme les dalmatiens. Je peux aussi vous parler de l'antiopelle, que l'on trouve également en Atlantique Nord-Est et en Méditerranée : son corps est caché sous un foisonnement de papilles transparentes au bout bleu clair. Et dans le genre touffu, on a aussi la Flabelline d'Ischia, qui elle est violette et couverte de papilles rouge-orangé fluo. Bref, il y en a pour tous les goûts !
En effet. Et qu'est-ce qu'ils mangent ces nudibranches ?
Et bien ils sont carnivores, se nourrissant le plus souvent d'animaux fixés. Et la plus part d'entre eux sont très spécialisés. Par exemple une espèce de nudibranche va se nourrir exclusivement d'une seule espèce d'éponge, parfois calcaire, ou encore d'un seul genre de gorgone ou d'hydrozoaire (qui sont des cousins des méduses mais qui vivent fixés sur le fond). D'autres nudibranches, eux, se nourrissent de coraux, d'anémones, ou mêmes d'oeufs de poissons. D'ailleurs, souvent les nudibranches pondent leurs oeufs directement sur leur nourriture de prédilection.
Les nudibranches pondent des oeufs donc. Mais comment se reproduisent-ils ?
Ils sont hermaphrodites, c'est-à-dire à la fois male et femelle. Lors de l'accouplement, les deux nudibranches s'accolent et se transmettent leurs gamètes mâles. Puis les gamètes femelles ainsi fécondés vont donner des oeufs. Lors de la ponte, le nudibranche dépose ses oeufs en ribambelle, sous la forme d'un ruban plus ou moins enroulé et coloré.
Est-ce que ces couleurs vives jouent un rôle particulier ?
Oui, on dit que les nudibranches sont "aposématiques", c'est-à-dire qu'ils sont colorés pour indiquer à leurs éventuels prédateurs qu'ils sont toxiques ! D'ailleurs, leur toxicité dépend souvent de leur nourriture, car les nudibranches vont stocker, en particulier dans leurs papilles dorsales, les toxines qui ont été produites par leurs proies. Je vous avais d'ailleurs parlé du nudibranche Glaucus atlanticus, parfois appelé dragon bleu ou hirondelle de mer, qui se nourrit de Galères portugaises ou de vélelles. Il est capable de stocker les cellules urticantes de sa proie pour sa propre défense. Mais la prochaine fois je vous parlerai des sacoglosses, des cousines des nudibranches, qui sont des limaces de mer capables de capter l'énergie lumineuse pour faire la photosynthèse.
Le rendez-vous est pris.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.
