Les pays européens vendent des technologies de surveillance à la Chine ! C’est que ce nous dit un rapport d’Amnesty International ; en Bulgarie 10.000 manifestants se sont rassemblés mardi pour célébrer la fête nationale. Cette information serait passée relativement inaperçue si elle ne s’inscrivait pas dans un mouvement de contestation inédit dans le pays depuis deux mois et demi ; au Pays-Bas, l’ambassadeur des Etats-Unis, Pete Hoekstra, américain d’origine néerlandaise, est au cœur d’une polémique. Il aurait organisé une levée de fonds pour le parti néerlandais d’extrême droite « Forum pour la démocratie »
Les pays européens vendent des technologies de surveillance à la Chine ! C’est que ce nous dit un rapport d’Amnesty International, une ONG qui promeut la défense des droits de l’homme. La Chine est la dictature que l’on sait, marquée par une surveillance de masse et un culte de la personnalité. Pourtant, des entreprises européennes lui vendent des technologies permettant d’assurer le contrôle de sa population. N’y a-t-il pas ici une sinistre ironie ?
C’est ce que dénonce le rapport, publié lundi, et titré « Hors de contrôle ». Le fait que des entreprises européennes participent à la surveillance de masse en Chine, alors qu’en Europe ces pratiques sont dénoncées.
Trois entreprises européennes sont mises en cause, une française, une suédoise, et une néerlandaise. Elles ont vendu à des entreprises et des autorités publiques chinoises, des systèmes de reconnaissance faciale et des caméras. L’entreprise néerlandaise aurait vendu un logiciel de détection d’émotions, notamment aux autorités du Xinjiang. Cette région où la Chine a enfermé un million de Ouigours dans des camps de rééducation. Pékin est accusé de vouloir effacer la culture de cette minorité turcophone et musulmane, et les conformer à la culture chinoise.
Amnesty International dénonce l’hypocrisie qui découle du manque de régulation du système d’exportation de l’Union européenne.
Vous parlez de la Chine mais ces technologies sont vendues partout dans le monde ?
Tout à fait, ce n’est pas la première fois que de telles pratiques sont dénoncées. Des entreprises européennes dont certaines françaises ont vendu des technologies de surveillance à des régimes tels que celui de Mouamar Kadhafi, l’ancien dirigeant libyen, ou du Maréchal Al-Sissi, le très autocratique maître de l’Egypte. Ces technologies sont appelés à « usage double » car elles peuvent tant servir à un usage civil que militaire. Pour la France, par exemple, toute vente de ce type de technologie doit être approuvée par une autorité sous tutelle du ministère de l’économie. Rien n’est prévu pour les dispositifs de reconnaissance faciale. Donc une entreprise française comme Idemia a pu vendre librement ces outils à des autorités publiques chinoises.
C’est un marché en expansion que dominent le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Etats-Unis, Israël et la France.
L’Union européenne laisse-t-elle faire ? Y a-t-il des initiatives en cours pour résoudre cette situation ?
Le débat sur l’export de technologies de surveillance vers des régimes violant les droits fondamentaux n’est pas nouveau. Cela fait longtemps que des ONG de défense des droits de l’homme comme Amnesty et Human Rights Watch dénoncent ces pratiques. En 2018, le parlement européen avait approuvé la restriction de ces exportations. La Commission a fait une proposition en juin pour renforcer l’arsenal juridique dans le domaine. Néanmoins, depuis plusieurs années, les Etats freinent toute initiative car c’est là un marché très intéressant.
Mardi, des négociations ont débuté entre les Etats membres et la Commission pour revoir le système d’exportation européen. Difficile de dire si les choses vont évoluer.
Prenons maintenant la direction de la Bulgarie ! Mardi, 10.000 manifestants se sont rassemblés pour célébrer la fête nationale. Cette information serait passée relativement inaperçue si elle ne s’inscrivait pas dans un mouvement de contestation inédit dans le pays depuis deux mois et demi.
En effet, de récents scandales de corruption ont déclenché ces manifestations dans tout le pays. Les manifestants demandent l’ « ostavka », en bulgare, la démission du premier ministre Borissov, de son gouvernement, et du procureur général. Ces dérives soulignent aussi la faillite d’un système judiciaire profondément sclérosé par la corruption. Les manifestants demandent aussi de nouvelles élections législatives.
Deux tiers de la population soutiendraient les manifestations qui ont fait 200 blessés début septembre. Le président Roumen Radev supporte aussi la contestation.
La réaction de l’Union européenne est restée très timide, seulement quelques déclarations critiquant l’usage de la force contre les manifestants
Tout à fait, il faut savoir que le parti du premier ministre Borissov appartient au parti populaire européen, l’un des plus grands groupes politiques de l’Union européenne. Le parti populaire européen est assez gêné d’avoir à critiquer son parti partenaire. De la même manière qu’il a toujours rechigné à condamner les pratiques anti-démocratiques du premier hongrois, Viktor Orban. Celui-ci a par exemple accru son contrôle sur plusieurs médias ou institutions académiques.
Au Pays-Bas maintenant, l’ambassadeur des Etats-Unis, Pete Hoekstra, américain d’origine néerlandaise, est au cœur d’une polémique. Il aurait organisé une levée de fonds pour le parti néerlandais d’extrême droite « Forum pour la démocratie » ?
L’événement fait scandale. Une quarantaine de membres de ce parti d’extrême droite ont été invités à l’ambassade des Etats-Unis pour une conférence. Était présent également Thierry Baudet, le leader du parti, très connu pour ses positions provocantes à l’égard des femmes ou des immigrés. Plusieurs partis néerlandais dont les Verts et les libéraux accusent en fait l’ambassadeur d’avoir organisé une levée de fonds pour ce parti d’extrême droite. L’ambassade américaine nie ces accusations et affirme dialoguer avec chaque parti.
Cela ne constituerait-t-il pas une infraction à l’indépendance de tout diplomate ?
Oui ! Si c’est avéré, ce serait une violation de la Convention de Vienne, qui interdit aux diplomates de se mêler de politique intérieure. Même si l’événement n’était pas une levée de fonds, le fait qu’un ambassadeur organise un événement auquel les membres d’un seul parti sont présents, pose de graves questions. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que Pete Hoekstra, l’ambassadeur américain aux Pays-Bas est associé à ce parti d’extrême droite, Forum pour la démocratie. Une réunion entre l’ambassadeur américain et le ministre néerlandais des affaires étrangères, Stef Blok, a été demandée.
Victor D’Anethan – Thomas Kox