Partons pour la Bulgarie où des manifestations anti-corruption secouent le pays depuis trois mois. Une partie de la population ne cache plus son mécontentement face aux dérives mafieuses qui sclérosent de nombreuses institutions bulgares depuis des années. Pouvez-vous nous rappeler ce qui a déclenché les manifestations ?
Oui, deux événements distincts ont attisé la colère des manifestants cet été. Le 7 juillet, Hristo Ivanov, leader du parti anti-corruption « Oui Bulgarie ! » s’est fait expulser par des policiers d’une plage privatisée illégalement par un oligarque. Ensuite, le procureur général, Ivan Geshev, a fait perquisitionner, apparemment sans raison, les bureaux du président bulgare, Roumen Radev. Une initiative considérée comme un flagrant abus de pouvoir.
Les manifestants sont surtout composés de jeunes pro-européens et de militants orientés à gauche. Ils demandent la démission du premier ministre Boïko Borissov, et du procureur général, Geshev, véritable figure tutélaire, qui concentre de nombreux pouvoirs. Le rapport sur l’Etat de droit de la commission publié en septembre a souligné ce problème récurrent, encore non résolu.
Pour tenter de calmer la contestation, cinq ministres ont été forcés à la démission et une réforme constitutionnelle a été proposée mi-août. Réforme refusée par les manifestants, qui veulent la démission de Borissov.
Devant l’ampleur et la longévité des manifestations, la Commission européenne a exprimé son inquiétude concernant la corruption, l’indépendance de la Justice et des médias dans le pays. Cependant elle ne critique pas frontalement le parti au pouvoir.
En effet, la fraction bulgare du parti populaire européen est un important soutien au sein du parti de centre-droit européen pour la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, au Parlement. Borissov a toujours été très conciliant avec l’Union européenne alors que la faillite du système judiciaire et la corruption endémique restent des problèmes depuis longtemps.
La Hongrie et la Pologne sont régulièrement pointés du doigt pour leurs coups de canifs répétés dans les règles de l’Etat de droit. Pourtant, la Commission rechigne à critiquer les pratiques du premier ministre, Borissov et les autorités en place. Par contre, la commission des libertés civiles du parlement européen a voté le 8 octobre une résolution dénonçant l’état de détérioration avancée de la démocratie en Bulgarie. La mauvaise utilisation des fonds européens constitue aussi un problème majeur.
En attendant une réaction forte de Bruxelles, les partis d’opposition espèrent capitaliser sur ce mouvement pour obtenir de bons scores aux élections en mars 2021. Vendredi sonnera le centième jour des manifestations, des milliers de personnes sont attendues dans la capitale, Sofia.
Parlons maintenant de commerce international, et de la guerre commerciale entre Airbus et Boeing, sociétés d’aéronautique respectivement européenne et américaine. L’OMC, l’organisation mondiale du commerce a pris mardi une décision importante !
En effet, en octobre 2019, l’OMC avait sanctionné l’Union européenne pour une aide à la société Airbus. Pour contrebalancer cette aide considérée comme affectant la concurrence, les Etats-Unis avaient pu taxer les importations d’Airbus à hauteur de 7,5 milliards de dollars. Le 13 octobre 2020, l’OMC a tranché de manière similaire en défaveur des Etats-Unis pour la société Boeing. L’Union européenne devrait pouvoir taxer Boeing pour un montant allant jusqu’à 4 milliards de dollars en taxes.
Cette décision s’inscrit dans la tendance au protectionnisme économique initiée par le président américain Donald Trump. Les autorités américaines taxent donc davantage des produits européens comme le vin, par exemple.
Tout à fait, et l’Union européenne a établi une liste de taxes en rétorsion aux décisions américaines qui doit être validée par l’OMC. Néanmoins, le protectionnisme affiché de Donald Trump agit comme un trompe-l’œil. Cela fait des années que les Etats-Unis privilégient leurs entreprises et font preuve d’un comportement agressif en matière économique vis-à-vis de l’Europe. En 2014, la société américaine General Electric a racheté la branche énergie d’Alstom, grande compagnie stratégique française, grâce notamment à un intense lobby du gouvernement américain et à des pressions judiciaires sur des employés de la société française. D’ailleurs, le gouvernement français avait même encouragé cette vente, soutenue aussi par l’ancien ministre de l’économie de l’époque, Emmanuel Macron.
En guise de conclusion, terminons par un état des lieux sur les mesures sanitaires prises dans les différents pays d’Europe. Les Etats font face à cette deuxième vague redoutée depuis des mois et ils tentent de limiter les dégâts à l’entrée de l’hiver. Pouvez-vous nous dresser un tableau de la situation ?
Oui, les mesures varient entre chaque pays mais tous ont pris des mesures plus strictes.
En Espagne, c’est près d’un quart de la population qui est déjà reconfinée, dont celle de la capitale Madrid. L’Espagne garde encore le souvenir de la première vague dévastatrice qui l’avait touchée.
En Angleterre, le premier ministre Boris Johnson a annoncé un nouveau système à trois niveaux d’alertes. Je dis bien en Angleterre car l’Ecosse, le Pays de Galle et l’Irlande du Nord ont leurs propres compétences en matière sanitaire. Les bars et restaurants ferment donc à 22h et une bulle de 6 personnes a été imposée.
Les Pays-Bas ont longtemps privilégié une approche plus laxiste, laissant aux habitants la responsabilité de leurs agissements. Néanmoins, devant l’augmentation du nombre de cas, le premier ministre Mark Rutte a annoncé mardi un confinement partiel avec, outre la fermeture des bars et restaurants, l’interdiction de vente d’alcool après 8h du soir.
Qu’en est-il d’ailleurs du vaccin développé par la Russie ? Vaccin appelé Spoutnik V.
Le fameux vaccin Spoutnik V est en cours de test sur 40.000 volontaires et sera également testé aux Emirats arabes unis après la Biélorussie. Moscou espère ensuite réaliser des tests au Brésil et au Venezuela également.
Pour la situation en Russie en général, les mesures ne sont pas aussi sévères bien que le nombre de cas soit très élevé. Par contre, la ville de Moscou a désactivé les cartes de métro des personnes âgées pour les maintenir à l’écart.
Victor D'Anethan - Thomas Kox