La Turquie réaffirme ses ambitions sur la partie Nord de l'île de Chypre, 37 ans après son indépendance ; en Modalvie, victoire de Maia Sandu, candidate pro-européenne à la présidentielle ; politique numérique, la Commission européenne souhaite davantage de régulations pour les géants du numérique.
Dirigeons-nous vers l’est de la Méditerranée. Dimanche, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est rendu dans la partie nord de Chypre. Pour rappel, l’île de Chypre est divisée en deux parties. L’une, au sud, la République de Chypre, Etat-membre de l’Union européenne. L’autre, au nord, la République turque de Chypre du Nord, un Etat seulement reconnu par la Turquie. Dimanche, cet état pas comme les autres célébrait ses 37 ans. Une occasion pour le président Erdogan, de réaffirmer ses ambitions sur l’île ?
Oui, 37 ans ! En 1974 que la Turquie envahissait le nord de l’île. Invasion décrétée en réponse à une tentative de rattachement de l’île à la Grèce. Quelques années après, en 1983, la République de Chypre du Nord proclame son indépendance.
Il est important de noter que la République de Chypre, au sud, est reconnue par la communauté internationale comme le seul Etat souverain sur l’île.
Depuis 1974, la Turquie maintient une très large influence sur la partie nord de l’île. 30.000 soldats turcs y sont encore déployés aujourd’hui. En octobre, la présidence en Chypre du Nord a été remportée par le candidat loyal à Ankara, le nationaliste Ersin Tatar. Dimanche, le président Erdogan a réaffirmé sa position. Il a appelé à une solution à deux Etats, évoquant, je cite, « des peuples et des systèmes démocratiques différents ».
Cette visite n’a pas manqué de provoquer l’ire des dirigeants grecs et chypriotes. Surtout, cela vient s’ajouter à la longue liste des points de friction qui existent aujourd’hui entre la Turquie, d’un côté, et Chypre et la Grèce, de l’autre.
Tout à fait, le président chypriote, Nicos Anastasiades a critiqué ce voyage d’Erdogan qu’il considère comme une provocation, qui sape, selon lui, toute tentative de trouver une solution. Les autorités grecques ont dénoncé une violation des résolutions de l’ONU.
Cela s’ajoute en effet à un climat déjà tendu dans la région. Depuis août dernier, la Turquie effectue des explorations controversées d’hydrocarbures dans des eaux contestées par la Grèce. Ces actions turques avaient mené les deux pays à réaliser des manœuvres militaires d’intimidation. Seule la menace de sanctions de l’Union européenne avait forcé la Turquie à faire marche arrière.
Les autorités grecques et chypriotes se sont félicitées de la victoire de Joe Biden à la présidence américaine. Athènes et Nicosie espèrent un plus grand engagement des Etats-Unis en Méditerranée pour limiter l’influence de la Turquie.
En effet, ils espèrent que le nouveau résident de la Maison-Blanche leur sera plus favorable que Donald Trump. En effet, Joe Biden a déclaré en 2014 qu’il reconnaissait Chypre comme le seul Etat légitime. Néanmoins, le désengagement américain dans la région date déjà de Barack Obama. Les deux pays ne devraient pas trop compter sur la Maison-Blanche.
Tournons-nous maintenant vers l’est de l’Europe. Dimanche, se tenait l’élection présidentielle en Moldavie. Celle-ci opposait la candidate pro-européenne Maia Sandu, au candidat sortant, pro-russe, Igor Dodon. Maia Sandu a remporté 57% des suffrages. Cette victoire entérine un tournant politique majeur en Moldavie, pays qui ne cesse, depuis son indépendance, de balancer entre l’Union européenne et la Russie.
Tout à fait ! Maia Sandu avait déjà créé la surprise en devançant son adversaire lors du premier tour. Maia Sandu est très appréciée au sein de l’Union européenne notamment en raison de sa volonté de s’attaquer à la corruption. Ancienne économiste à la Banque mondiale, elle a été première ministre durant quelques mois en 2019. Elle a toujours privilégié des liens forts avec l’UE.
Igor Dodon, le président socialiste sortant, bénéficiait du soutien de Vladimir Poutine. Sa défaite constitue un camouflet pour Moscou qui lutte ouvertement contre l’influence de l’Union européenne dans le pays. Néanmoins, Igor Dodon a joué la carte de l’apaisement suite à sa défaite. Une position qui contraste avec le climat très tendu de la campagne présidentielle.
Maia Sandu a remporté la victoire notamment grâce au vote des émigrés Moldaves qui vivent dans l’Union européenne. Son élection traduit la frustration de ces moldaves qui ont fui leur pays en raison de l’absence de perspective. La Moldavie est tristement célèbre pour de nombreux scandales de corruption.
En effet, Maia Sandu a bâti sa campagne sur sa volonté de mettre un terme aux pratiques de corruption. Néanmoins, pour mener son projet à bien, elle va devoir consolider son pouvoir lors d’éventuelles élections parlementaires anticipées. Ce ne sera pas chose facile étant donné que le parlement est dominé par les socialistes, faction du président sortant.
Terminons en évoquant la politique numérique de l’Union européenne. La Commission doit révéler son Digital Services Act début décembre. L’objectif est de mieux réguler les pratiques des géants du numérique, notamment en ce qui concerne le commerce en ligne et la collecte de données. Il s’agit d’un projet ambitieux de la Commission qui s’attaque à un secteur jusque-là très peu régulé.
Tout à fait ! La Commission européenne veut notamment limiter la position dominante dont jouissent les grandes entreprises comme Google ou Amazon. Celles-ci ont une double casquette. Non seulement elles fournissent des services. Elles possèdent également les plateformes par lesquelles les autres entreprises doivent passer pour fournir les leurs.
La Commission veut empêcher les grandes plateformes d’utiliser cette position particulière pour favoriser leurs services et produits. La Commission prévoit des règles strictes pour assurer cette saine compétition. En cas de non-respect des règles européennes, l’UE pourrait bannir une plateforme de l’espace européen. C’est une solution radicale qui pourrait ne jamais être appliquée. Néanmoins, cela montre la détermination de la Commission de mettre au pas des plateformes numériques jusque-là peu embêtées par les Etats.
Signe que la Commission appuie là où ça fait mal. Google a lancé un grand plan de lobbying pour préserver le modèle économique des plateformes numériques. Un document révélé le mois passé montre l’intention de Google de demander de l’aide au gouvernement américain.
Les prochains mois risquent de donner lieu à une véritable bataille d’influence !
Victor D’Anethan - Urich Huygevelde
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