Commençons ce journal en évoquant le discours d’ouverture de la conférence des ambassadeur·rices de l’UE, du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
Oui c’est un moment important pour la diplomatie européenne, car son chef fait le constat de l’action passée et dessine la stratégie future.
Josep Borrell s’est d’abord montré assez frontal quand il s’est adressé aux 200 membres du personnel du Service européen de l’action extérieur (SEAE). Leur reprochant de, je cite, ne pas être assez réactif·ves, beaucoup trop rationnel·les et autocentré·es sur le modèle européen. Il a notamment regretté la lenteur des rapports souvent moins efficaces que la presse.
Le chef de la politique étrangère de l’Union souhaite une diplomatie combative qui sait prendre de la hauteur et pas seulement en perpétuelle gestion de crise. Il a notamment déploré un manque de courage de son équipe face à Pékin qui, a contrario, a développé un modèle de diplomatie agressive, n’hésitant pas à critiquer frontalement les démocraties occidentales.
Et Josep Borrell a également fait son autocritique.
Oui, après s’en être pris directement aux corps diplomatiques de l’Union, le chef de la diplomatie a fait son mea culpa, s’excusant notamment de son erreur de jugement sur la Russie.
Il a affirmé s'être obstiné à ne pas voir venir la guerre comme nombre d’Européen·nes, malgré les multiplications des signaux qui l’annonçaient.
Quelles ont été les perspectives qu’il a tenté de tracer pour l’avenir de la diplomatie européenne ?
Le haut représentant a appelé à la mise en place d’une vision à long terme. Les crises diplomatiques se succèdent mais cela ne doit pas empêcher, selon Josep Borrell, de mettre en œuvre un projet diplomatique cohérent. Au cours de son intervention, il a décrit une Europe vouée à s'autonomiser encore davantage et à se détacher de ses accoutumances actuelles, qu’elles soient énergétiques (dépendance au gaz russe), économiques (dépendance au marché chinois), ou sécuritaire (dépendance aux États-Unis).
Dans cette volonté d’une diplomatie plus entreprenante, la commissaire européenne à l'Énergie a plaidé mardi 11 octobre, à l'occasion du Forum Algérie-UE qui se déroule à Alger, pour un « partenariat stratégique de long terme » avec l’Algérie.
La crise énergétique impose à l’Europe de diversifier ses approvisionnements. Comme nous le savons, la Russie qui était son premier fournisseur a, depuis le mois d'août, suspendu une grande partie de ses livraisons. Depuis cette fermeture, Alger fournit 11% des besoins de gaz européens. Durant l'été, l'Algérie et l’Italie ont signé un accord pour importer des milliards de mètres cubes supplémentaires dès cette année via le gazoduc Transmed. L'Algérie est même devenue le premier fournisseur de gaz de l’Espagne, devant les Etats-Unis.
Mais des doutes subsistent quant aux capacités énergétiques algériennes ?
Oui, ce sont notamment les analystes du centre de recherche Middle East Economic Survey (MEES) qui ont commencé à interroger la capacité d’Alger à augmenter ses exportations. L'Algérie, première exportatrice de gaz naturel d’Afrique et au septième rang mondial, est confrontée à deux problèmes structurels, un déficit d'infrastructure et une hausse de la consommation interne. Selon le centre d'étude, le gazoduc Transmed desservant l'Italie avait une capacité non utilisée de quelque 7,8 milliards de m³, en deçà des 9 milliards de m³ prévus par le dernier accord algéro-italien. Cependant, le Premier ministre algérien a assuré à l’ouverture du Forum Algérie-UE sur l'énergie que le groupe public pétro-gazier Sonatrach avait mis en place « un programme d’action d’urgence », devant lui permettre « d’augmenter, à court terme, sa production de gaz naturel ».
Ce renforcement du partenariat Algérie-UE est une nécessité pour Bruxelles mais aussi pour Alger.
Oui, comme nous venons de l'évoquer, il y a une forte attention des 27 pour le gaz Algérien. Néanmoins l'intérêt pour un partenariat renforcé avec le plus grand pays d’Afrique ne se limite pas à ce secteur. L’UE montre de fait plus d’empressement à renforcer sa présence en Afrique du Nord, dans le cadre de sa politique migratoire mais également pour contrer l’influence grandissante de la Chine et de la Russie sur le continent. De son côté, l’Algérie, en conflit diplomatique avec le Maroc sur le cas du Sahara occidental, a besoin de retrouver de l’influence à Bruxelles pour se faire entendre davantage sur ce dossier.
Pour terminer ce journal, revenons sur l’audition de la commission spéciale du Parlement européen sur la Covid avec les représentant·es de Pfizer qui a eu lieu en début de semaine.
Les eurodéputé·es étaient chargé·es d'auditionner les représentant·es de Pfizer quant à leur rôle dans la gestion de la pandémie. Les député·es cherchaient notamment à lever l’opacité sur les négociations autour des contrats d’achats de vaccins… Et elles et ils ont vite été déçu·es. D’abord, le PDG de Pfizer Albert Bourla, qui devait initialement être présent pour répondre à leurs questions, ne s’est pas présenté. Sa suppléante, Janine Small, s’est montrée de son côté très évasive dans ses réponses.
Beaucoup de questions portaient sur les fameux SMS échangés entre le laboratoire et Ursula Von der Leyen.
Cette affaire remonte à avril 2021, quand le New-York Times a publié un article sur ces messages. Depuis, la Médiatrice européenne Emily O’Reilly s’est penchée sur le dossier et, le 14 juillet 2022, elle critiquait ouvertement l'exécutif communautaire, mettant en avant le fait que, je cite, « Le traitement de cette demande d’accès à des documents laisse la regrettable impression d’une institution européenne qui n’est pas franche sur des questions d’intérêt public majeures ». Les représentant·es de Pfizer ont rétorqué qu’un contrat d’une telle ampleur ne pouvait être négocié par SMS.
Et d’autres questions, notamment sur les prix, ont été posées.
Oui, par exemple la hausse des prix de 20% pour les vaccins à l’approche de la finalisation des contrats étonne. Notamment quand l’on connaît le poids des lobbys pharmaceutiques à Bruxelles mais aussi les relations proches entre les dirigeant·es de Pfizer et les institutions européennes. Les député·es du groupe Left, qui ont mis en avant l’apport de financements publics dans le développement du vaccin, ont insisté pour connaître précisément les chiffres des dividendes. En juin dernier, le centre de recherche The People’s Vaccin Alliance a annoncé un chiffre de 1000 dollars de profit par seconde.
Une interview de Laura Léger réalisée par Félix Doladille.