Surréalisantes

Surréalisantes #1

Surréalisantes #1

Le surréalisme est sans doute le mouvement artistique du 20e siècle le plus européen. Connecté par ses capitales, le continent a vécu dès 1924 et la publication par André Breton du Manifeste du surréalisme, au rythme de ce mouvement fou et révolutionnaire. Mais ce que l’Histoire a moins retenu c’est la place inédite qu’ont occupé les femmes.

Pourtant, elles sont des centaines : peintres, sculptrices, poètes à s’être taillé une place loin du rôle de la muse. Chaque semaine « Surréalisantes » vous fait découvrir le portrait de l'une d’entre-elles. 

Vous nous avez donc préparé un format hebdomadaire qui met à l’honneur des femmes artistes que l’histoire a oublié.

Oui, exactement Laurence, et plus précisément du surréalisme. Alors, nos auditeurs connaissent sûrement ce mouvement artistique et littéraire du début du 20e siècle, on l’étudie souvent à l’école. Une date clef : 1924, publication du Manifeste du Surréalisme par André Breton. Un vent de renouveau souffle sur l’art et la littérature.

Des choses qu’on n’avait jamais vu avant : l’écriture automatique, les cadavres exquis, l’exploitation des rêves, l’expression libre des fantasmes, de l’inconscient basé sur les théories de la psychanalyse. Mouvement international, il a particulièrement rayonné en Europe, avec des groupes de création hyperactifs à Paris, Londres, Barcelone, Bruxelles ou encore Prague. 

Bref, il est difficile d’être passé à côté des récitations de poèmes de Paul Éluard, Louis Aragon ou Robert Desnos, et les peintures de Salvador Dali, Joan Miro et Magritte font aujourd’hui partie des œuvres vendues les plus chères sur le marché de l’art. Sûrement qu’à l’énumération de ces grands noms, des souvenirs vous reviennent, mais il n’y a pas quelque chose qui vous choque ? 

il n’y a que des hommes ?

Et oui, si beaucoup d’œuvres surréalistes sont aujourd’hui des classiques connues du grand public, elles sont quasiment toujours celles d’artistes masculins. Et à ceux ou celles qui trouveraient que j’exagère, je vous défie chers auditeurs, de trouver le nom d’une seule femme surréaliste. Et bien je mets ma main à couper que, soit vous n’en trouverez pas ou que vous penserez à des figures comme Nusch Éluard ou Gala. Et il y a de grandes chances pour que vous les connaissiez comme ayant été les épouses et célèbres muses d’hommes surréalistes, en l’occurrence Paul Éluard et Salvador Dali.

Et pourtant, Nusch et Gala font partie d’une immense galaxie de centaines d’artistes femmes qui ont participé de près ou de loin à ce grand mouvement artistique. Et oui, des femmes créatrices surréalistes il y en a eu pleins : des peintres, des poètes, des sculptrices, des dramaturges. Il faut dire que ce mouvement aux mœurs progressistes a aussi été révolutionnaire pour les femmes. Il leur a laissé un espace de création qu’elles n’avaient jamais eu auparavant.

Alors certes, elles ont vécues pour la plupart dans des sociétés sans avoir le droit de vote, le droit à un compte en banque, le droit de travailler sans autorisation d’un père ou d’un mari, le droit à l’IVG. De plus, elles ne se sont pas privées de décrire leurs camarades masculins, notamment les leaders des groupes comme André Breton, comme des petits chefs de boy’s club…

Qui, j’imagine, avaient tendance à voir en elles des artistes légèrement inférieures ?

Oui ou plutôt qui créerait différemment qu’eux, comme des femmes en sommes. Alors certaines ont souvent partagé la vie d’hommes du groupe – dans un contexte qui prônait l’amour libre -, d’autre sont restées des électrons indépendants ; certaines n’ont pas connues un succès commercial, d’autres ont été des artistes très reconnues de leurs époques.

Mais leur point commun à toutes : avoir été rayée des livres d’histoire. Une grande amnésie qui depuis quelque années se répare. En effet, des curateurs, des maisons d’éditions, des chercheurs et chercheuses participent à doucement redonner leurs lettres de noblesses à ces femmes. J’en ai fait partie à ma petite échelle en dédiant il y a deux ans un petit travail de recherche sur cette thématique. Aujourd’hui, ce travail s’est mue en chronique hebdomadaire avec chaque semaine sur euradio le portrait d’une de ces surréalisantes. Au programme : des vies extraordinaires, des souffles créatifs et des parcours traversant une Europe en pleine mutation. 

Entretien réalisé par Laurence Aubron