Import-export à Milan

 Import-export à Milan

Ce mois-ci, The Wandering Playlist prend prétexte d’une soirée Stereotrip Milan à Stereolux à Nantes, pour s’établir dans le nord de l’Italie.

Capitale économique l’Italie, centre d’une aire urbaine de plus de 8 millions d’habitants, théâtre de rendez-vous mondiaux de la mode et du design, Milan est aussi le centre névralgique de l’industrie musicale italienne, trop vaste, trop centripète, trop centrifuge et trop active pour être associée à un seul courant musical. On y commerce avec tous les genres, depuis longtemps.

Quel meilleur endroit pour commencer une promenade milanaise que la Via Gluck, rue natale d’Adriano Celentano, fils de paysans des Pouilles installés à quelques centaines de mètres de la gare Milano Centrale. Dans Il Ragazzo della Via Gluck, Celentano, monument de la musique italienne, évoque la ville qui grandit et perd son âme. Semi-campagnarde dans les années 40, la rue Gluck est ainsi devenue un discret monument de l’histoire de la musique populaire italienne - et même européenne - tant la chanson a été reprise (en France par Françoise Hardy, sous le titre La maison où j’ai grandi).
À trois quarts d’heure à pied, en plein centre historique et commercial de la ville, se trouve un autre lieu de l’histoire musicale de la ville, le Muretto de San Babila, qui fut au début des années 90 le lieu de rendez-vous d’une scène hip-hop en pleine émergence et d’où est sorti l’un des premiers groupes de rap d’Italie, Comitato, dont Immigrato raconte une autre convergence - celle des Italiens du Sud vers la métropole du Nord.
Si Milan importe, il est également vrai que Milan exporte. Des exportations ciblées, comme le travail de Calibro 35, devenus figures de la musique instrumentale et régulièrement samplés outre-Atlantique, comme par exemple Ogni riferimento a fatti realmente accaduti, sorti en 2012 et utilisé par Dr Dre sur One Shot One Kill. Exportations ciblées donc, mais aussi des exportations massives, comme la vague italo-disco qui naquit dans quelques studios milanais au début des années 80 et qui submergea le monde. Un mouvement cruel dont les interprètes apparaissaient le temps de quelques tubes pour aussitôt retourner à l’anonymat. Ainsi en fut-il de Fockewulf 190, groupe né en 1979 à la sortie d’une projection de Phantom of the Paradise au cinéma Astra, porté au sommet en 1984 le temps de Body Heat et Gitano et tout aussi brutalement lâché par ses producteurs, Turati et Chieregato, aux manettes derrière des dizaines de formations tout aussi éphémères.

Allers et venues des sentiments

Plus de bienveillance chez LaHasna, milanaise d’origine marocaine, qui dans Ya Habibi raconte une rencontre amoureuse à Milan. Un aller vers l’autre auquel la Milanaise d’adoption Cristina Dona répond par un retour sur soi dans Conto Alla Rovescia (Conte à l’envers), un titre qui figure dans deSidera, son onzième album. Lou Mornero - qui circule entre Londres et Milan - n’en est lui qu’à son premier - Grilli - sorti en 2021 sur un label de Vérone. Vérone d’où viennent justement Used To Be Apes attirés par les lumières de Milan qui leur offre A Thousand Lives. Peut-être autant de vies qu’en a déjà vécues la jeune Joan Thiele, élevée en Colombie, au Canada et au Royaume-Uni et désormais en route pour une brillante carrière, pilotée par la filiale italienne d’une major internationale. Elle reste toujours la même - Sempre La Stessa, dit-elle - comme reste égal à lui-même le Italian Spiderman imaginé par Enzo Bontempi, lui-même importé d’Australie par le label de soul milanais Record Kicks. Ce qui soulève une question : la verrière de la célèbre galerie Vittorio Emanuele est-elle la toile du Spiderman milanais ?