Smart for Climate

Est-elle vraiment verte ma prairie ? - Smart for climate #3

Est-elle vraiment verte ma prairie ? - Smart for climate #3

Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.

On dit beaucoup que pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut limiter notre consommation de viande, et surtout de bœuf. Est-ce que c’est vrai ?

Oui en effet, l’élevage représente près de 15% des émissions de gaz à effet de serre, et l’élevage des bovins, seul, c’est quasiment 10%. 

Les bovins rejettent du méthane qui est un gaz à effet de serre plus nocif que le dioxyde de carbone, car sa capacité à réchauffer la Terre est 24 fois plus élevée. 

Le méthane est présent dans l’expiration des vaches, parce qu’elles sont des ruminants (c’est la source principale des émissions), mais il émane aussi du fumier.

En plus de cela, les vaches ont besoin de beaucoup de terres, pour la quantité limitée de protéines qu’elles nous apportent. Des terres qui pourraient être plantées de cultures plus « absorbantes » de CO2 que les herbages, notamment des forêts. 

En France, c’est quasiment 80% de la surface agricole qui est utilisée pour cette raison. En bref, pour un kg de bœuf, vous provoquez autant de réchauffement que lorsque vous parcourez 100 km en voiture, … à essence bien sûr !

Donc il faut arrêter complètement les steaks, et le lait, pour éliminer les émissions liées à l’élevage ?

Non !  Même s’il est important de réduire notre consommation, il y a aussi des innovations et des projets en cours. 

Par exemple une start-up anglaise a inventé un système qui permet de neutraliser le méthane au moment de l’expiration des vaches, par un dispositif que l’on pose sur leur mufle. C’est encore expérimental, mais prometteur. 

Et l’expiration des vaches c’est l’essentiel de leurs émissions, nettement plus que le fumier. Pour le fumier, justement, qui est quand même un gros contributeur, il y a un processus qui s’appelle la méthanisation.

On laisse fermenter le fumier, sous cloche, avec d’autres déchets organiques dans un milieu sans oxygène. On peut ainsi récupérer le méthane, plutôt qu’il s’échappe à l’air libre, et l’utiliser comme énergie. 

En le brûlant, il s’oxyde en CO2, donc il devient 24 fois moins réchauffant, c’est donc une énergie plus verte et plus durable. 

Est-ce que cela suffit pour garder nos habitudes de consommation de viande de bœuf ?

Malheureusement non, ces solutions sont trop partielles, donc nous devons quand même réduire notre consommation. En faisant l’effort de manger d’autres types de protéines, comme le poulet, le poisson ou des protéines végétales, vous émettriez 5 fois moins de gaz à effet de serre ! 

Mais sur cette production réduite, on peut quand même, comme je l’ai dit diminuer les émissions.  Si un agriculteur

  • réduit ses terres d’élevage, 
  • et reboise éventuellement, 
  • équipe ses vaches, 
  • méthanise son fumier, 

alors, il produit de la vache ou du lait verts !  Et ça arrive ! Près de chez vous ! A Nantes doit s’installer la plus grande unité de méthanisation jamais bâtie en France.

Mais vous êtes une financière, qu’est-ce que tout cela a à voir avec la bourse ?

Ce que je vous ai décrit est un cercle vertueux vers moins de carbone. La finance peut aider à mettre en place et entretenir ce cercle vertueux.

Par exemple, un financier, qui, quand il achète des actions, devient un peu propriétaire, donc un peu responsable, peut 

  • Préférer une entreprise agro-alimentaire qui réduit la part de bœuf dans ses plats, à une autre,
  • Préférer une entreprise qui achète du bœuf ou du lait « vert » à celle qui ne le fait pas ;
  • Il peut aussi préférer le fabricant de tracteurs qui les équipe au méthane plutôt qu’au diesel,
  • ou le producteur d’électricité qui achète et distribue l’électricité issue de la méthanisation,
  • Etc…. 

Tous les choix de ces entreprises vont se refléter dans leurs mesures d’émissions de carbone, que nous suivons. 

En achetant leurs actions, on leur donne un signal positif et des moyens qui les encouragent à poursuivre. 

C’est ça la participation de la finance verte au cercle vertueux du bas carbone, même pour l’agriculture !