La case des pins

Rivage de la colère de Caroline Laurent - La case des pins

Rivage de la colère de Caroline Laurent - La case des pins

Chaque semaine, François Delay, Clémence Villefranche et Mathilde Vrignaud de La case des Pins nous présentent un livre de leur sélection.

Cette semaine Clémence Villefranche vous présente son grand coup de cœur de 2020, un texte qui l'a tout simplement transportée, et qui sort tout juste en livre de poche: Rivage de la colère de Caroline Laurent, paru aux éditions Pocket.

Car ce texte somptueux est avant tout un voyage : voyage physique du lecteur transporté dans l'océan indien ; voyage temporel dans les années 60 ; voyage politique au cœur d'une des plus grandes hontes de l'histoire, totalement méconnue du grand public ; voyage littéraire enfin grâce à la très belle plume de Caroline Laurent, jeune autrice et éditrice qui nous avait déjà transportés avec son premier roman Et soudain la liberté.

L'histoire se passe dans les Chagos, un petit archipel coupé du monde dans l'océan indien. Le roman commence en 1967, et à cette époque ces îles dépendent de l'île Maurice. Il faut imaginer un petit paradis terrestre, la vie y est douce et centrée sur la nature : pas de monnaie, pas d'électricité, un gouverneur pratiquement inexistant, on vit sur ces îles du commerce de poisson et de noix de coco.

Gabriel est un jeune homme, fils d'aristocrate mauricien, qui se brouille avec son père ; il trouve un poste pour seconder le gouverneur des Chagos dans sa tâche, et débarque donc sur l'île de Diego Garcia un peu par hasard. Il va tomber fou amoureux de Marie-Pierre Ladouceur, une jeune chagossienne libre et forte avec qui il va décider de passer sa vie.

Mais en 1968, l'île Maurice accède par référendum à l'indépendance ; et la contrepartie secrète de ce référendum, c'est la vente de l'archipel des Chagos aux anglais, qui le louent à leur tour aux américains pour en faire une base militaire... et ils ne s’embarrassent pas vraiment des quelques centaines d'habitants qui peuplent ces îles.

Les îliens sont donc expatriés manu militari et débarqués de force à Maurice où, apatrides, ils vivent dans des bidonvilles insalubres et sans la moindre reconnaissance de l'Etat. Mais contre toute attente, ils vont décider d'engager des avocats et de se battre pour tenter de récupérer leur terre.

La grande histoire d'amour purement fictive se mêle donc dans ce roman à une réalité historique totalement méconnue : Caroline Laurent a rencontré, pour son roman, les descendants de ces exilés chagossiens, qui continuent encore aujourd'hui à se battre pour récupérer leurs îles ; le roman fait d'ailleurs des sauts dans le temps entre les événements de 1968 et le procès devant la Cours pénale internationale en 2017.

C'est l'histoire de David contre Goliath que nous conte adroitement Caroline Laurent : le lecteur ne peut s'empêcher de ressortir ému et révolté de ce roman, notamment grâce à la puissance d'évocation de l'autrice qui nous transporte bel et bien dans le temps et dans l'espace. La fiction devient le moyen de mettre en lumière une injustice réelle. Mais la grande qualité de Caroline Laurent est de faire de son texte à la fois un plébiscite, mais surtout un grand roman d'aventures et d'amour, qui se dévore et se savoure.

Clémence Villefranche

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Caroline Laurent, Rivage de la colère, Pocket

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