Composer comme compositrices et compositeurs, ces musiques inspirées par l'Europe mais aussi ces compositions qui forment une culture européenne. Par David Guérin-Marthe.
Nous commençons aujourd’hui un grand voyage musical à travers l’Europe, à la découverte des compositrices et compositeurs qui ont marqué notre continent. Pour ce tout premier épisode, nous partons pour la Scandinavie.
Effectivement, j’ai choisi de vous emmener en Norvège, car c’est la patrie du premier compositeur qui m’a fait aimer la musique. Une musique particulièrement accessible. Je vais vous parler d’Edvard Grieg, principal représentant de l’identité musicale norvégienne.
Grieg est né en 1843 à Bergen. C’est sa mère, Gesine, qui lui donne ses premiers cours de piano. Puis, quand il a 15 ans, le célèbre violoniste Ole Bull lui conseille de partir étudier en Allemagne, au conservatoire de Leipzig. Il ne sera pas très satisfait des enseignements reçus, même si l’un de ses professeurs, le compositeur Ignaz Moscheles, l’a particulièrement marqué. Lors de ses tout premiers concerts, il présente d’ailleurs quelques pièces de son professeur.
D’autres compositeurs ont-ils exercé une influence sur le parcours de Grieg ?
Oui, on peut dire qu’il a eu besoin de quelques personnalités dynamiques pour le guider dans son parcours et surmonter un certain manque de confiance. On peut citer l’influence du romantisme danois, avec la figure importante de Niels Gade, à qui il a souvent demandé l’avis. Il a également rencontré quelques grands noms du XIXe siècle : Franz Liszt, qui a accueilli avec enthousiasme sa première Sonate pour violon et qui lui a ouvert de nombreuses portes, Piotr Ilitch Tchaïkovsky, qui lui a dédié son ouverture Hamlet.
Mais c’est à Copenhague qu’a lieu le grand tournant dans sa carrière, sa rencontre avec Rikard Nordraak, le compositeur de l’hymne norvégien. Fervent nationaliste mort à 23 ans, il lui a transmis sa volonté de créer un art proprement norvégien. En ce sens, en 1869, Grieg découvre le travail de Ludwig Mathias Lindeman, compositeur et organiste. Lindeman a collecté et noté plusieurs milliers de mélodies traditionnelles norvégiennes. Ce travail monumental a servi de base pour un grand nombre de compositions de Grieg.
Quelle œuvre de Grieg écoutons-nous aujourd'hui ?
Nous allons écouter l’un de ses 17 Slåtter (des danses paysannes), composés en 1902. Ces mélodies, harmonisées au piano par Grieg, sont issues d’une collecte qu’a réalisée l’un de ses amis compositeurs, Johan Halvorsen. Halvorsen est parti pendant deux semaines à la rencontre de Knut Dale, un joueur de hardingfele. Le nom de cet instrument ne vous dit probablement rien, mais vous l’avez déjà entendu dans le Rohan : c’est ce violon au timbre si caractéristique dans la bande originale du Seigneur des anneaux, composée par Howard Shore.
Un violon norvégien donc, qui possède le plus souvent huit cordes : aux quatre cordes habituelles s'ajoutent quatre cordes sympathiques, qui entrent en vibration par résonance avec les cordes principales. Le hardingfele est utilisé depuis le XVIIe siècle dans les campagnes, pour accompagner les marches, les danses, les célébrations. L’objectif de Grieg était d’intégrer ces mélodies populaires rythmées au répertoire classique, par une harmonisation à la fois naturelle et audacieuse.
Nous écoutons donc la Danse paysanne norvégienne opus 72 n°2, John Væstafæs Springdans, interprétée par le pianiste norvégien Einar Steen-Nøkleberg, spécialiste de la musique de Grieg.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.