Composer comme compositrices et compositeurs, ces musiques inspirées par l'Europe mais aussi ces compositions qui forment une culture européenne. Par David Guérin-Marthe.
Nous l’avons vu la semaine dernière, Edvard Grieg a été très influencé par les musiques traditionnelles de son pays, la Norvège. Mais quelle a été son influence sur les compositeurs européens ?
Effectivement, Edvard Grieg, à son tour, a influencé un certain nombre de compositeurs. D'abord en Fennoscandie bien sûr, où il a fait des émules parmi les nationalistes : Geirr Tveitt en Norvège, Hugo Alfvén en Suède, Jean Sibelius en Finlande.
Concernant ses méthodes de composition, l'idée d'utiliser des musiques traditionnelles pour les harmoniser, cela peut aussi faire penser à Béla Bartók, compositeur du XXe siècle qui a procédé de la même manière en Hongrie.
Des compositeurs français ont également été touchés par la musique de Grieg.
Tout à fait. Les impressionnistes français lui doivent beaucoup. On retrouve par exemple des similitudes entre le Quatuor à cordes en sol mineur de Grieg et celui que Claude Debussy a composé 15 ans plus tard, dans la même tonalité. Mais Debussy demeure assez sévère vis-à-vis de Grieg. Je vous cite l’une de ses critiques assez représentative de ce qu’il pensait du compositeur norvégien : « Il reste un musicien délicat quand il s’assimile la musique populaire de son pays [...]. Ceci ôté, il n’est plus qu’un musicien adroit plus soucieux d’effet que d’art véritable. »
Maurice Ravel reconnaîtra en revanche l’influence de Grieg sur son travail pianistique. En 1926 à Oslo, il déclare : « La génération de compositeurs français à laquelle j'appartiens s'est sentie fortement attirée par sa musique. Aucun compositeur ne me paraît plus proche que Grieg si ce n'est Debussy. »
Finalement, c’est un compositeur anglais, Frederick Delius, qui a été le plus influencé par Grieg, comme nous le verrons la semaine prochaine.
Quelle œuvre de Grieg écoutons-nous aujourd'hui ?
Nous écoutons l’une de ses Pièces lyriques. Les Pièces lyriques forment un cycle de 66 courtes pièces pour piano composées tout au long de sa carrière. Si Grieg n’a jamais réussi à dompter les grandes formes classiques, ses qualités s’expriment pleinement dans ces petites formes. Le dixième et dernier livre des Pièces lyriques, composé quelques années avant sa mort en 1907 est, je crois, un bon résumé de toute son œuvre.
Dans le numéro 2 de ce dernier livre, Soir d’été, on retrouve le compositeur romantique, expressif et mélancolique, mais qui intègre des couleurs assez novatrices ; couleurs qui auront sans doute intéressé Debussy et Ravel. On entend également la nature norvégienne comme source d’inspiration principale ; ce calme de la nature que Grieg recherchait pour pouvoir travailler sereinement. Il composait dans une toute petite cabane construite au bord du Nordåsvatnet, assis sur une édition des sonates de Beethoven, utilisée comme réhausseur pour atteindre confortablement le clavier de son piano, ou installé à son bureau, face au fjord.
Soir d’été, l’opus 71 n°2 d'Edvard Grieg, enregistré en 1995 par Einar Steen-Nøkleberg.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.