Composer comme compositrices et compositeurs, ces musiques inspirées par l'Europe mais aussi ces compositions qui forment une culture européenne. À retrouver sur euradio le samedi. Par David Guérin-Marthe.
Vous nous parlez aujourd’hui d’un compositeur anglais, très peu connu en France, Frederick Delius.
Un Anglais de naissance seulement, Delius est vraiment un compositeur cosmopolite. Ses parents sont allemands, mais il est né en Angleterre en 1862. Il est parti deux ans en Floride s’occuper d’une plantation d’orangers et il a souvent voyagé en Scandinavie. Il a étudié en Allemagne, au conservatoire de Leipzig, et il a vécu en France plus de 30 ans jusqu’à sa mort en 1934.
Comparé à de nombreux compositeurs qui commencent à écrire très tôt, on peut dire que Delius s’est mis à la composition assez tardivement. En effet, son père voulait qu’il travaille comme lui dans le commerce du textile. Longtemps, il a fait en sorte que son fils ne suive pas une carrière musicale. Malgré une situation familiale dégradée, Delius a persisté et transgressé les règles imposées par son père.
Un autre compositeur l’a-t-il aidé à trouver son chemin ?
Oui, c’est Edvard Grieg qui lui a servi de guide, au sens littéral dans la montagne norvégienne, comme au sens figuré dans la première moitié de sa vie. Grieg a très vite entendu le potentiel de Delius. Il a réussi à convaincre son père de le laisser poursuivre librement ses études musicales. Et Delius a souvent demandé l’avis de Grieg. Dans ses premières œuvres, on entend effectivement une certaine influence de la musique du Norvégien, mais cela s’estompe assez rapidement.
Ce qui inspire surtout Delius, c’est la nature. Son séjour en Floride l’a beaucoup marqué. L’une de ses œuvres les plus connues, Florida Suite, fait entendre ce paysage. Il a également souvent voyagé en Norvège. Il aimait cette nature préservée, loin de toute présence humaine.
Nous allons justement écouter l’une de ses œuvres inspirées par la montagne norvégienne.
Lors de ses randonnées avec Grieg, il notait tout ce qu’il entendait. Ce matériau musical a germé lentement pour donner notamment Le Chant des Hautes Collines, composé en 1911. Ce poème symphonique pour chœur et orchestre raconte l’effort de l’ascension d’une montagne, la contemplation de la nature depuis le sommet, et le retour dans la vallée. Mais il ne s’agit pas d’une représentation réaliste du paysage. Delius évoque simplement ses propres sensations.
Pour cela, il travaille avec les nombreux timbres de l’orchestre symphonique. Dans l’extrait que nous allons écouter, on distingue très bien différentes strates. Les violons, dans leur registre aigu, accompagnent le motif principal joué au hautbois. Le cor anglais (instrument de la famille du hautbois) lui répond. Les violoncelles, contrebasses et timbales ponctuent le paysage de courtes interventions. Puis de nouveaux instruments s’ajoutent petit à petit dans un crescendo puissant. Enfin, de nulle part apparaît le chœur, qui n’a pas de texte ; les choristes chantent sur une voyelle ouverte. Delius s’intéressait davantage au son de la voix qu’aux paroles. Du haut des montagnes, on entend alors comme un écho lointain, représentation de l’homme dans la Nature.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.
The Song of the High Hills, enregistrée en 2011 par le chœur et l’orchestre symphonique de la BBC, dirigés par Sir Andrew Davis.