Les 1001 héroïnes

Les 1001 héroïnes de Eléonore Stevenin - C’est bien une idée de fille #14

Les 1001 héroïnes de Eléonore Stevenin - C’est bien une idée de fille #14

Bonjour et bienvenue dans cet épisode de 1001 héroïnes, une chronique qui vous fait découvrir chaque semaine des héroïnes européennes de livres ou de films ! 

Savez-vous de quand date l’invention de la valise à roulette ? A la fin des années 70. Soit littéralement 5000 ans après l’invention de la roue. Pourtant, le premier train de voyageurs avait été inauguré en 1830 au Royaume-Uni, reliant Manchester et Liverpool. Le premier vol commercial, lui, a été inauguré en 1919 et transportait des passagers entre Londres et Paris. Notons aussi qu’en 1969 Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont posé le pied sur la lune. Vous noterez que techniquement parlant, il est a priori nettement plus compliqué de faire rouler un train, de faire voler un avion ou d’envoyer des hommes sur la lune que de mettre des roues à une valise. Alors pourquoi, mais pourquoi, a-t-il fallu attendre les années 70 pour voir une valiser rouler ? Et même 1987 pour l’invention de la valise à 2 roues et à poignée télescopique, telle que nous la connaissons aujourd’hui ?

Oui, pourquoi ? Nous voulons savoir !

Parce que… le patriarcat. C’est Katrine Marçal, journaliste et autrice suédoise, qui nous l’explique. Dans son essai intitulé C’est bien une idée de fille, paru en 2020 en Suède et en 2021 en France aux éditions Autrement, elle nous raconte tout. Elle raconte que l’idée que la société avait de la masculinité a retardé l’invention de la valise à roulette. Cette idée qu’un homme, un vrai… porte sa valise lui-même. Il montre sa force, sa virilité, en portant sa valise. Il montre qu’il a des muscles, que c’est un homme, un vrai. L’autrice raconte que c’est en fait pour aider les femmes, au moment où elles ont commencé à voyager, que la valise à roulettes a fait son apparition. Et comme elles voyageaient moins, et que les hommes ne voulaient certainement pas montrer leur faiblesse en utilisant ces valises « de femmes », l’invention a tardé à se démocratiser et à se diffuser dans le monde entier…

Et ce n’est pas tout. L’autrice explique que grâce à l’invention de la batterie au plomb, la voiture électrique a été inventée… avant même la voiture fonctionnant grâce au pétrole. Mais la voiture électrique était considérée comme trop féminine… car pas assez salissante et trop facile à faire fonctionner. L’industrie a donc plutôt choisi de développer la seconde technologie arrivée sur le marché : une voiture à essence.

Bref, dans cet essai absolument passionnant qui se dévore, Katrine Marçal explique comment le patriarcat, l’idée que nous nous faisons des femmes et des hommes, a nui aux avancées technologiques ou les a retardées. Comment des choix de technologies ont été faits au détriment d’autres, pour des raisons directement liées aux stéréotypes de genre.

Et quand les femmes inventent ou contribuent à des évolutions technologiques, elles sont aussi souvent « oubliées » de l’histoire …

Oui, ou même carrément effacées. Ainsi, qui se souvient que c’est Bertha Benz qui a convaincu son mari de l’importance de commercialiser son prototype de voiture en conduisant 105 km avec ? Et qu’elle a inventé les garnitures de freins ?

L’autrice de C’est bien une idée de fille va même plus loin : elle explique comment, aujourd’hui encore, les femmes sont exclues des inventions. Et pour cause : on le sait, les filles et les garçons, les femmes et les hommes, ne font pas les mêmes choix concernant leur orientation scolaire, à cause des stéréotypes de genre. Et par ailleurs, les banques n’accordent pas la même confiance aux femmes et aux hommes entrepreneurs. Ainsi, en Suède, seul 1 % du capital-risque va aux femmes. En Amérique du nord, en 2020, seuls 2,3 % des fonds de capital-risque étaient destinés aux femmes. Et à l’échelle mondiale, plus de 80 % des fonds de capital-risque vont à des entreprises dirigées par des hommes. Pour les femmes noires, c’est encore pire : elles reçoivent moins de 0,5 % des fonds. Et c’est un cercle vicieux, puisque les petites filles ont peu de « role model » féminins, d’exemples de femmes inventrices ou scientifiques qui leur donneraient envie de faire des études scientifiques ou d’entreprendre.

Bref, Katrine Marçal nous embarque dans un voyage fascinant et très riche à travers l’histoire des inventions. C’est bien une idée de fille est un livre génial, à lire et à offrir. C’est facile à lire, c’est souvent très drôle et on y apprend plein de choses. Un essai idéal pour préparer les prochains débats en famille sur le féminisme !

Et pour découvrir d’autres essais sur le féminisme, ou bien des romans, des BD, des films et des séries, je vous conseille le site 1001heroines.fr. 750 autres œuvres y sont référencées !