Les 1001 héroïnes

Magdalene Sisters & Philomena - Les 1001 héroïnes de Eléonore Stevenin #19

Magdalene Sisters & Philomena - Les 1001 héroïnes de Eléonore Stevenin #19

Bonjour et bienvenue dans cet épisode de 1001 héroïnes, une chronique qui vous fait découvrir chaque semaine des héroïnes européennes de livres ou de films ! 

Il y a quelques temps, je vous ai parlé d’un roman poignant, Les Graciées, qui mettait en lumière le sort funeste des “sorcières” : 60 000 femmes assassinées entre le XVème et le XVIIIème siècle, souvent brûlées vives. Je vous disais que la cause profonde des “chasses aux sorcières” de ces siècles était sans conteste le patriarcat. Ces femmes ne correspondaient pas à la vision des femmes attendue par la chrétienté de l’époque. Eh bien je veux vous parler aujourd’hui d’une forme de poursuite de ces chasses aux sorcières.

Entre le XIXème siècle et 1996 (1996, c’était hier, soit dit en passant), des dizaines de milliers de jeunes femmes irlandaises ont été enfermées contre leur gré dans des couvents transformés en prison : les institutions religieuses de Marie-Madeleine, en Irlande. D'après les estimations des autorités irlandaises, près 30 000 femmes, souvent très jeunes, ont été enfermées dans ces institutions. Et quand le dernier établissement a fermé (en 1996, donc), une cinquantaine de jeunes femmes occupaient encore les lieux.

L’horreur, si proche de nous …

Eh bien c’est exactement le sentiment du réalisateur Peter Mullan. Emu par le documentaire Sex in A Cold Climate qui rend hommage à ces femmes, il a décidé de réaliser un long métrage fictionnel, inspiré de ces couvents de Marie-Madeleine. Ce film, c’est The Magdalene Sisters. Il est sorti il y a déjà 20 ans, en 2002, et avait reçu le Lion d’or de la Mostra de Venise la même année. J’ai vu ce film il y a une quinzaine d’années, et il m’a bouleversée. Je ne connaissais à l’époque pas du tout cette histoire vraie …

Il faut dire que l’affaire a été portée tardivement dans les médias irlandais et internationaux : en 2009, soit 7 ans après la sortie du film, une commission est chargée d'enquêter sur ce qui s’est passé dans ces couvents. Et c’est seulement en 2013, après la publication des conclusions de la commission d'enquête, que le premier ministre irlandais a reconnu la responsabilité de l'État dans ce scandale …

Mais revenons au film en lui-même : que raconte The Magdalene Sisters ?

Le film raconte l’horreur, tout simplement. L’histoire commence en 1964, dans le comté de Dublin. Il y a d’abord Margaret, violée par son cousin lors d’un mariage. Et qui est fautive ? Qui est responsable de la honte qui s’abat sur toute la famille suite à ce viol,? Margaret bien sûr. Le lendemain, le curé vient la chercher pour l’emmener au couvent des Soeurs de Marie-Madeleine. En parallèle, il y a Bernadette, pensionnaire dans un orphelinat. Sa faute ? Être trop jolie et attirer les regards des garçons du quartier. L’orphelinat la confie donc, elle aussi, au couvent des Soeurs de Marie-Madeleine. Et puis il y a enfin Rose. Elle n’est pas mariée, mais (scandale !), elle vient de donner naissance à un petit garçon. Elle est alors séparée de son fils et emmenée au couvent, elle aussi. 

À leur arrivée, toutes trois sont confiées à la cruelle Soeur Bridget, qui dirige l’établissement. Elle leur explique comment elles vont devoir “sauver leurs âmes”, expier leurs “fautes” (qui n’en sont pas), par le travail et la prière. Le couvent abrite en effet une blanchisserie, et elles devront laver le linge de la bonne société irlandaise, sans jamais pouvoir sortir. Le film suit donc les trois destins de Margaret, Bernadette et Rose, ainsi que les dizaines d’autres jeunes femmes enfermées avec elles. Enfermées, mais aussi violentées, humiliées, affamées. La réalité dépeinte est véritablement cauchemardesque, le film est (je vous préviens) très noir, très violent, si poignant. Il y a peu de moments positifs dans ce film qui nous plonge dans l’horreur, si ce n’est quelques beaux moments de sororité entre les jeunes femmes enfermées. Les actrices d’ailleurs, sont époustouflantes, et j’ai trouvé la réalisation très belle, bien que très sombre. 

Un film qui ne semble quand même pas convenir à toutes les sensibilités …

Non, mais il est par contre très complémentaire d’un second film, qui évoque des événements similaires, de manière beaucoup moins violente. Il s’agit de Philomena, un long métrage réalisé par Stephen Frears et sorti en 2013. Philomena, c’est l’héroïne, jouée par la formidable Judi Dench. En 1952, elle a été enfermée dans un de ces terribles couvents, car elle a accouché d’un petit garçon sans être mariée. Elle s’en occupe pendant 3 ans, au couvent, jusqu’au jour terrible où l’enfant est emmené par une famille adoptante, sans qu’elle puisse se préparer à cette séparation … On la retrouve ensuite 50 ans plus tard, aux Etats-Unis, quand elle raconte pour la toute première fois ses souvenirs à sa fille. Elle décide alors de retrouver ce fils perdu, avec l’aide d’un journaliste. Et si l’émotion est palpable du début à la fin, c’est ici une manière plus “douce” de découvrir l’histoire des femmes enfermées dans les institutions religieuses de Marie-Madeleine.

Et où peut-on voir les 2 films ?

The Magdalene Sisters comme Philomena sont disponibles sur plusieurs plateformes de vidéo à la demande, notamment UniversCiné. Et je vous les conseille vraiment !

Et pour découvrir d’autres longs métrages, mais aussi des séries, des romans ou des BD, rendez-vous sur le site 1001heroines.fr : 750 œuvres y sont référencées ! Bonnes découvertes et à la semaine prochaine !