Euan Walker est chargé de missions internationales à Mines Paris – PSL et assistant de recherche et d’enseignement à l’ESSEC. Diplômé en histoire et en sciences politiques de Durham University et de la Ruprecht-Karls Universität Heidelberg, il poursuit actuellement un master en économie et politique publique à l'ESCP. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
Épisode enregistré le 09 mars 2023
Cette semaine, Euan Walker et Cécile Dauguet discutent des résultats des élections en Estonie, de l'accident ferroviaire en Grèce et du projet de loi sur les "agents d'influence étrangère" en Géorgie.
Pour en revenir à l'actualité européenne de la semaine, l’Estonie a récemment tenu ses élections législatives...
Lors des élections législatives estoniennes, le Parti de la réforme dirigé par la Première ministre Kaja Kallas a remporté la victoire avec plus de 31,2 % des voix, battant ainsi le parti d'extrême droite EKRE. Sa campagne s'est notamment concentrée sur l'augmentation des dépenses militaires à 3 % du PIB.
Conformément à cette demande d'augmentation des dépenses militaires, ces résultats électoraux sont-ils la conséquence du conflit en Ukraine ?
Kristi Raik, politologue estonienne, estime que ces résultats suggèrent un désir de continuité reflétant le "leadership fort de Kallas dans la crise sécuritaire la plus grave depuis que l'Estonie a recouvré son indépendance en 1991". Bien que confrontée à des défis économiques tels qu'une inflation galopante, l'Estonie est restée un fervent soutien de l'Ukraine dans le conflit qui l'oppose à la Russie. En tant que membre de l'OTAN et de l'Union européenne, l'Estonie a joué un rôle important en exhortant les autres pays membres à imposer des sanctions à la Russie et à fournir des armes à l'Ukraine. En tant que telle, cette élection est le signe d'une volonté de soutenir la défense ukrainienne contre l'agression russe, faisant écho à une tendance qui se répète dans un certain nombre de pays d'Europe de l'Est.
Comme si le conflit ne suffisait pas, un autre drame est venu endeuiller l’actualité européenne en Grèce.
Oui, ce 1er mars 2023, en Grèce, un train de passagers est entré en collision frontale avec un train de marchandises, causant la mort de 57 personnes. L'indignation du peuple grec est criante quand on voit les images des manifestations du dimanche 5 mars, après quoi le Premier ministre Kyriakos Mitsoutakis a présenté ses excuses et reconnu que le manque de sécurité et de systèmes de signalisation était à l'origine de l'accident. Mais ces excuses sont jugées insatisfaisantes : réduire la responsabilité à une "erreur humaine tragique" ne passe pas.
Cela pourrait avoir un impact sur la politique grecque ?
On attend cette année des élections législatives en Grèce. Des arguments relatifs au fait que cette tragédie est enracinée dans les stratégies de privatisation et d'austérité, qui ont défini la Grèce au cours de la dernière décennie vont sans doute dominer l’espace public. Il est trop tôt pour dire quel sera l'impact exact sur l'électorat grec, mais il est clair que le plan de Mitsotakis pour améliorer son image à la suite des scandales d'espionnage téléphoniques de l'année dernière est ébranlé.
Autre fait marquant ces derniers jours des manifestations s’organisent à Tbilissi contre un projet de loi controversé.
Un projet de loi dans l'ancienne république soviétique de Géorgie qui suscite l'inquiétude, car elle inspire une russification de la politique et de l'espace public géorgiens. Le nouveau projet de loi, proposé par le parti au pouvoir "Rêve géorgien" obligerait tous les médias ou organisations de la société civile organisée à se déclarer comme "agents d'influence étrangère" dans leurs publications.
Comment ce projet de loi pourrait-il affecter les relations de la Géorgie avec l'UE ?
Ce projet de loi est inquiétant dans un contexte où la rhétorique anti-occidentale se développe en Géorgie depuis deux ans. Cette loi exacerbe donc la théorie du complot selon laquelle des acteurs occidentaux manipulent l'opinion en Géorgie. Au vu des manifestations de ce printemps et du soutien visible des citoyens géorgiens à ce qu'ils appellent la "voie européenne" pour l'avenir du pays, ce nouveau projet de loi peut être compris comme une attaque contre le développement de ce sentiment europhile. Les représentants de l'UE déclarent vouloir décider d'accorder ou non à la Géorgie le statut de candidat à l'UE d'ici la fin de l'année, en fonction de la mise en place d’un certain nombre de réformes. En l'état actuel des choses, certains analystes comme Regis Genté, expert sur le Caucase du Sud, estiment que l'octroi du statut de candidat à l'UE ne se concrétisera pas, et qu'un nouvel alignement sur la Russie et une politique intérieure plus autoritaire pourraient se profiler.
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Entretien réalisé par Cécile Dauguet.
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English version :
The election results in Estonia – Railway accident in Greece – The draft law on "agents of foreign influence" in Georgia.
Episode recorded on March 09, 2023
This week, Euan Walker and Rune Mahieu discuss the election results in Estonia, the railway accident in Greece and the draft law on "agents of foreign influence" in Georgia.
Returning to Europe's news of the week, Estonia recently held its parliamentary elections...
In the Estonian parliamentary elections, the Reform Party led by Prime Minister Kaja Kallas won with over 31.2% of the vote, beating the far-right EKRE party. Her campaign focused on increasing military spending to 3% of GDP.
In line with this demand for increased military spending, are these election results a consequence of the conflict in Ukraine?
Estonian political scientist Kristi Raik believes that the results suggest a desire for continuity reflecting Kallas' "strong leadership in the most serious security crisis since Estonia regained its independence in 1991". Despite facing economic challenges such as soaring inflation, Estonia has remained a staunch supporter of Ukraine in its conflict with Russia. As a member of NATO and the European Union, Estonia has played an important role in urging other member countries to impose sanctions on Russia and to supply arms to Ukraine. As such, this election signals a willingness to support Ukrainian defence against Russian aggression, echoing a trend that is being repeated in a number of Eastern European countries.
As if the conflict were not enough, another tragedy has come to plague the European news in Greece.
Yes, on 1 March 2023, a passenger train in Greece collided head-on with a goods train, killing 57 people. The indignation of the Greek people is evident from the images of the protests on Sunday 5 March, after which Prime Minister Kyriakos Mitsoutakis apologised and admitted that the lack of safety and signalling systems was the cause of the accident. But the apology is considered unsatisfactory: reducing responsibility to "tragic human error" is not acceptable.
Could this have an impact on Greek politics?
Parliamentary elections are expected in Greece this year. Arguments that this tragedy is rooted in the privatisation and austerity strategies that have defined Greece over the past decade are likely to dominate the public arena. It is too early to say what the exact impact on the Greek electorate will be, but it is clear that Mitsotakis' plan to improve his image in the wake of last year's wiretapping scandals is being undermined.
Another highlight in recent days has been demonstrations in Tbilisi against a controversial bill.
A draft law in the former Soviet republic of Georgia is causing concern because it inspires a Russification of Georgian politics and public space. The new draft law, proposed by the ruling Georgian Dream party, would require all media or organised civil society organisations to declare themselves as "agents of foreign influence" in their publications.
How could this bill affect Georgia's relations with the EU?
This draft law is worrying in a context where anti-Western rhetoric has been growing in Georgia for the past two years. This law therefore exacerbates the conspiracy theory that Western actors are manipulating opinion in Georgia. In view of the demonstrations this spring and the visible support of Georgian citizens for what they call the "European way" for the country's future, this new bill can be understood as an attack on the development of this Europhile sentiment. EU representatives say they want to decide whether to grant Georgia EU candidate status by the end of the year, depending on the implementation of a number of reforms. As things stand, some analysts such as Regis Genté, an expert on the South Caucasus, believe that granting EU candidate status will not materialise, and that a new alignment with Russia and a more authoritarian domestic policy could be on the cards.
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Interview by Rune Mahieu.