Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine, aujourd’hui c’est le 4e épisode consacré aux équipements dans la ville, et vous allez nous parler des bâtiments, qui eux aussi, deviennent intelligents.
Oui Laurence, et pour commencer cette chronique, je vous donne 2 chiffres : En Europe, le secteur du bâtiment représente 40 % des consommations énergétiques annuelles, loin devant celui des transports qui représente 31%. Il génère aussi 36 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie.
Nous avons donc là un poste qui a tout l’air d’un mauvais élève, mais peut être que, comme pour l’éclairage intelligent la semaine dernière, il y a aussi des promesses ?
Effectivement, entre les enjeux environnementaux et la récente crise énergétique, la bonne nouvelle c’est que les gestionnaires de parcs immobiliers et les facility managers, cad les opérateurs de bâtiments, sont fortement incités à trouver des solutions. Ils sont de plus poussés par de nouvelles réglementations, comme le décret tertiaire et le décret BACS qui imposent de nouvelles exigences en termes de performance énergétique et d’installation d’équipements, notamment pour faire de la régulation.
Et de quel type d’équipement parle-t-on ?
Rien de bien révolutionnaire à ce niveau, c’est exactement la même chose que chez vous : vous avez peut-être un thermostat qui régule la température dans votre appartement ou dans votre maison. Cela permet de faire des économies réellement substantielles en programmant la température cible. Par exemple, baisser pendant la nuit ou quand vous êtes au bureau ou programmer un arrêt total pendant les vacances.
Mais je suis un peu déçue là… Est-ce que c’est juste cela qui se cache derrière le terme de bâtiment intelligent ? Il n’y aurait pas un peu de données là-dedans, comme dans vos exemples précédents ?
Si, tout à fait Laurence. Si l’on continue sur le sujet du chauffage, le principe est de piloter à distance en fonction de règles qu’on a fixées. La base, c’est de le faire en fonction d’horaires supposés d’utilisation du bâtiment, et c’est déjà très bien ! Mais quand on parle de bâtiment intelligent, on parle de grands bâtiments, en général tertiaires, et ils ne sont pas toujours tous pleins comme des œufs, loin s’en faut. Et c’est là que la donnée intervient. En posant des capteurs de présence dans les pièces, on peut se permettre de limiter la température par défaut, et ne l’augmenter pièce par pièce qu’en cas de détection de présence ou d’une consigne manuelle de l’utilisateur. Dans cet exemple on utilise les données produites par le bâtiment, mais on peut aussi utiliser des données externes. En fonction des prévisions météo, on peut anticiper les besoins réels de chauffage ou de climatisation et tenir compte de cette information pour ajuster les consignes.
Là cela me parait en effet déjà un peu plus élaboré ! Mais je crois savoir qu’il y a même des systèmes qui vont plus loin ?
Absolument. Les bâtiments sont en réalité des objets très techniques et très compliqués : en plus du chauffage, il faut y gérer la climatisation, la ventilation, l’éclairage, les ascenseurs, le contrôle d’accès, la sécurité incendie, etc. Historiquement chacun de ces équipements est opéré par un spécialiste. Et chacun a son propre système, qu’il cherche à rendre plus efficace et plus intelligent. Et pour cela, sans surprise, ils utilisent tous des capteurs, des objets connectés, de la data, des réseaux de communications. Mais pas les mêmes. Cela génère des surcoûts lors de la construction et en plus, ces systèmes ne discutent pas entre eux. Par exemple, en cas d’intrusion suspecte ou d’alerte incendie, il serait utile que les ascenseurs et le contrôle des accès, ainsi que la signalisation lumineuse ou la diffusion audio fonctionnent de manière concertée.
Et que faut il faire pour cela ?
Et bien, il faut réussir à centraliser les informations pour avoir une vue d’ensemble. Et pour ce faire, on a inventé des systèmes spécifiques qui s’appellent des BOS, des Building Operation Systems. C’est un peu l’équivalent de votre iOS ou du système d’exploitation de votre ordinateur. Ils agissent comme une tour de contrôle du bâtiment et permettent d’établir des règles de fonctionnement croisées pour une gestion plus efficace de l’ensemble des équipements.
Et vous me disiez que cela ouvre d’autres perspectives ?
Tout à fait. Jusqu’ici je n’ai parlé que des aspects techniques. Mais il y a aussi tous les services qu’un bâtiment peut offrir, par exemple : réserver des salles, trouver son chemin, retrouver un équipement au sein du bâtiment, savoir si des véhicules électriques en partage sont disponibles. A partir du moment où un BOS est présent, il agit comme un centralisateur de données. Celles produites par le bâtiment, celles récupérées à l’extérieur, ainsi que tous les plans du bâtiment, y compris en 3D. Il peut ensuite les redistribuer à un tas d’applications qui les exploitent pour imaginer de nouveaux services. C’est ce qu’on appelle le « Building as a Service », et c’est un domaine en pleine expansion.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.