Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine, la semaine dernière vous nous avez fait découvrir les BOS, les Building Operation Systems qui commencent à apparaître pour rendre les bâtiments plus intelligents. Aujourd’hui, vous allez nous parler des hyperviseurs urbains, qui sont un peu leur pendant dans les villes.
Exactement Laurence. Vous vous rappelez qu’il y a quelques semaines je vous ai parlé de l’éclairage et de l’arrosage, qui sont maintenant gérés par des systèmes qui utilisent la donnée pour être plus efficaces. Mais il y a tout un tas d’autres systèmes pour opérer chaque équipement de la ville : la signalisation, les bornes de recharge de véhicules électriques, les bornes escamotables, la videoprotection, la surveillance de la qualité de l’air, etc. Ce sont des superviseurs. Historiquement, tous ces systèmes fonctionnent de manière séparée, et surtout, sont opérés par des services de la ville ou des sociétés différentes.
Et en quoi cela pose-t-il un problème ?
En fait, ce n’est pas vraiment un problème, c’est juste qu’on peut faire mieux ! C’est le même principe que la semaine dernière dans le bâtiment intelligent. A partir du moment où certains systèmes captent et exploitent de la donnée, cette donnée pourrait être utile à d’autres systèmes et éviter que ces derniers aillent la récupérer par eux-mêmes en dupliquant les dispositifs.
Je crois deviner le potentiel mais pouvez-vous nous donner un exemple concret ?
Alors, imaginez une ville qui est traversée par une rivière, avec des voies de circulation sur berge. Cette rivière est évidemment surveillée, il y a des capteurs qui mesurent le niveau de l’eau, et les données sont envoyées au système de surveillance des crues. En cas d’alerte, il faut empêcher les voitures de s’engager dans les zones à risques. Les opérateurs en charge de cette surveillance doivent donc se mettre en relation avec plusieurs autres opérateurs qui gèrent les feux de signalisation, les bornes escamotables, ainsi qu’avec les services d’intervention.
Et donc les hyperviseurs seraient cet outil qui permet d’être plus efficace et plus réactif ?
Exactement Laurence. L’hyperviseur est un outil logiciel qui est placé en quelque sorte au-dessus des systèmes de pilotage des équipements pris séparément. En gros, un super-superviseur qui supervise les autres superviseurs ! Vous me suivez ? L’hyperviseur récupère certaines des données présentes dans les superviseurs et s’en sert pour essentiellement 2 choses. La première est d’observer, mais de manière plus globale. L’idée est d’avoir, en un seul coup d’œil, une vision d’ensemble de tout ce qui se passe dans la ville, en particulier les dysfonctionnements potentiels. Et donc de pouvoir décider et prioriser plus rapidement.
Quand vous me dites cela, je m’imagine une salle avec plein d’écrans, des cartes et des indicateurs qui clignotent, est ce que c’est ça ?
Vous n’êtes pas très loin de la vérité en effet. Dans certaines villes le dispositif est pensé comme un vrai cockpit de pilotage de la ville. Et c’est bien ça la 2e finalité des hyperviseurs : le pilotage en temps réel. Comme l’hyperviseur dispose d’informations qui remontent de tous les systèmes qui lui sont connectés, il peut agir de manière croisée. Si je reprends mon exemple de tout à l’heure, il va utiliser les données du superviseur du niveau de la rivière pour envoyer un ordre vers le superviseur des feux tricolores et reconfigurer les règles de circulation. Ceci peut être fait manuellement, ou programmé de manière automatique. On imagine les scenarios possibles, on établit des règles de fonctionnement croisées, et un certain nombre d’actions peuvent ainsi être automatisées.
Mais n’est-ce pas un peu dangereux, toute cette automatisation ?
Je comprends parfaitement la question. Alors déjà, il ne faut pas s’imaginer l’hyperviseur comme un outil qui fonctionne tout seul en mode big brother. Il y a toujours un ou plusieurs opérateurs qui sont là pour valider certaines actions. L’établissement des règles que je mentionnais à l’instant nécessite énormément de travail de concertation entre les experts des différents métiers afin de déterminer ce qui fait sens. A cette occasion, ils peuvent aussi décider que les superviseurs gardent la main sur certaines actions critiques, notamment les questions de sécurité. C’est une limite qui pour l’instant me parait plutôt saine.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.