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Les Jumeaux numériques (Partie 1)

© SumitAwinash - Wikimedia Commons Les Jumeaux numériques (Partie 1)
© SumitAwinash - Wikimedia Commons

Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.

Bonjour Christine, la semaine dernière vous nous parliez des systèmes d’information géographique qui sont des référentiels cartographiques de la ville au service de nombreuses applications. Aujourd’hui, dans la même lignée, vous avez choisi de décrypter pour nous les jumeaux numériques.

En effet, c’est une suite logique à notre discussion, car un jumeau numérique, c’est une sorte de super SIG, auquel on aurait ajouté une représentation de la ville en 3 dimensions, ce qui ouvre de nouvelles perspectives en termes d’applications. Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais préciser que les jumeaux numériques existent dans de nombreux domaines et depuis assez longtemps. Il y en a par exemple dans l’industrie où ils sont essentiels pour concevoir des systèmes complexes comme des voitures ou des avions, ou dans le bâtiment, où l’on parle alors de Building Information Modeling. Si je devais décrire ces technologies en un mot, je dirais qu’il s’agit en fait de construire un avatar numérique de la ville, du bâtiment ou de l’objet qui vous intéresse.

Et donc la 3D joue un rôle important dans ces jumeaux numériques ?

Tout à fait. Tellement important que souvent on limite le jumeau numérique à cette seule représentation 3D de la ville, qui permet de la visualiser comme le fait Google ou même dans des applications comme les dernières générations de navigateurs GPS. Et c’est effectivement ce qui constitue le socle du jumeau numérique, comme les fonds de plan 2D peuvent l’être dans le SIG. Ce modèle 3D comprend a minima le terrain avec tous ses reliefs, et les bâtiments. Et pour ces derniers il existe différents niveaux de précision qui peuvent aller de l’ordre du mètre jusqu’au centimètre près pour les plus précis. On y ajoute également parfois de la texturation pour apporter plus de réalisme, en utilisant des photos que l’on plaque sur le modèle 3D.

Et, avant d’aller plus loin, je suis curieuse, comment fait-on pour créer ces représentations 3D ?

Il existe plusieurs techniques qui sont toutes très pointues. Cela dépend justement du degré de précision recherché. Pour des modèles pas trop précis, on peut utiliser des images satellite et des techniques de stéréoscopie pour construire la topographie du terrain et le profil urbain. Si l’on souhaite être plus détaillé, alors il faudra des images plus précises. Dans ce cas, on fait voler des avions équipés de caméras spéciales selon des plans de vol très précis et on traite les images obtenues par photogrammétrie. Enfin, pour les modèles les plus élaborés, on utilise des Lidar. Ce sont des sortes de lasers qui permettent de scanner tout l’environnement et d’en capter les moindres détails sous la forme de nuages de points. Ceux-ci sont ensuite traités pour redessiner tous les contours, et l’on obtient alors tous les détails d’architecture comme les rebords de fenêtre, les gouttières, mais aussi tous les objets de l’espace urbain. On est alors très proche d’une modélisation de type jeu video. Bien sûr, c’est dans ce dernier cas un processus extrêmement long et couteux.

J’imagine, oui. Est-ce que c’est le niveau de précision qui fait la valeur du jumeau numérique ?

De mon point de vue, pas vraiment. Comme souvent avec les outils numériques, j’estime que la valeur n’est pas dans le haut niveau de technologie qu’ils contiennent mais dans l’usage réel et l’utilité qu’ils apportent. Avoir une représentation 3D de votre ville au cm peut être utile à des fins de communication, pour mettre en valeur le patrimoine par exemple, mais si l’objectif est de faire des simulations ce n’est certainement pas le cas. De plus, plus le modèle 3D est précis, plus il est lourd et cela peut poser des problèmes en termes de stockage, de maintenance et surtout d’exploitabilité car il faut alors des logiciels et des machines puissantes pour les visualiser et y naviguer.

Vous nous parlerez d’ailleurs des différents usages de ces jumeaux numériques dans les prochaines chroniques.

Oui, et même avant cela, la semaine prochaine, je reviendrai sur ce qui fait la valeur du jumeau numérique, c’est-à-dire la donnée qu’on y met. Et oui, Laurence, je suis sure que je ne vous surprends plus tellement là, on en revient encore et toujours à la donnée !

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.