Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine, aujourd’hui vous allez nous parler d’un outil très important dans la gestion et la planification des villes, le système d’information géographique. Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots de quoi il retourne ?
Un système d’information géographique, qu’on appelle plus souvent par son petit nom SIG, c’est une technologie de collecte, de cartographie et d’analyse des données géographiques. Pour simplifier, on pourrait dire que c’est l’ensemble des plans de la ville. Cela ne concerne pas seulement les bâtiments, mais aussi les rues, les trottoirs, et par extension, ce qui est présent sous le sol, comme les réseaux d’eau, de télécom, d’égout, de gaz ou d’électricité. Et aussi ce qui est en surface : les lampadaires, les arrêts de bus, les points de collecte et de tri des déchets, les bancs publics, les arbres, etc
Donc on pourrait dire que c’est l’inventaire de tout ce qui est présent dans la ville, c’est bien cela ?
Oui, mais pas que. Déjà, les cartes dont s’occupe le SIG ne concernent pas seulement ce qui existe aujourd’hui, mais aussi ce qui existait avant, ou ce qui se profile à l’avenir. Le SIG garde la mémoire de l’évolution de la ville. Et il répertorie aussi le futur, par exemple les chantiers à venir, ou les permis de construire accordés.
Mais surtout, il ne s’occupe pas seulement d’objets physiques, mais de tout un tas d’autres informations, qui relèvent du domaine démographique, sociologique, éducatif, sanitaire, économique, énergétique et j’en passe. En fait, dès qu’une donnée peut être géoréférencée, c’est-à-dire qu’on peut lui affecter une position géographique, elle relève du SIG. Dans la réalité cela concerne à peu près tout.
D’accord, mais pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
Et bien par exemple, les données de l’INSEE qui concernent les densités et l’âge des populations, la composition des familles et le revenu des ménages, sont des données géoréférencées qui ont leur place dans le SIG. La carte scolaire délimite les périmètres urbains rattachés à un établissement scolaire. Les mesures de qualité de l’air, de trafic routier, sont également présentées sur des cartes. Concernant l’énergie on a des cartes qui donnent les consommations quartier par quartier et par type de source d’énergie. En fait on se rend compte qu’il est utile de faire des cartes pour tout.
Et du coup dans une ville intelligente, à quoi ça sert ?
Le but du SIG est d’unifier la représentation géographique de toutes les données qui donnent une information sur la ville, quel que soit le domaine. En faisant cela, vous allez pouvoir rapprocher des données hétérogènes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, en utilisant le référentiel géographique comme point commun et comme trait d’union entre ces données. En faisant cela, il devient possible de superposer différentes informations et de visualiser simultanément sur une carte. Et à partir de là, il est possible de faire des analyses, de trouver des relations cachées et de générer de nouvelles informations qui aident à la compréhension du territoire.
Encore une fois, pouvez-vous nous donner un exemple concret ?
Alors, imaginez que vous disposiez d’une part d’une carte des logements qui sont des passoires énergétiques. Ce sont des cartes qui s’obtiennent en scrutant les toits de la ville en hiver avec des caméras infra-rouge. D’autre part, vous avez la carte des populations fragiles : personnes âgées, ménages avec de très jeunes enfants, à revenus limités. Ces deux informations sont en général détenues par des services différents de la ville : le service en charge de l’énergie, et celui en charge de l’action sociale. Dans la très grande majorité des cas, ces services ne se parlent pas. Pourtant, c’est le rôle du SIG de rapprocher ces informations et de mettre en évidence les secteurs où l’on trouve, à la fois, des populations fragiles et des situations de logement peu performants. Le conseil municipal pourra alors décider de lancer des actions de prévention, ou de rénovation énergétique dans ces secteurs en particulier.
Le SIG aide ainsi à la prise de décisions et à la planification.
Et comment est-ce opéré concrètement dans une collectivité ?
En général, au moins dans les collectivités d’une certaine taille, le SIG est de la responsabilité du Service d’information Géographique. Dans ce service, on trouve des géomaticiens, qui sont en quelque sorte des experts des cartes. Ils savent non seulement en produire mais aussi les interpréter grâce à des outils logiciels puissants. C’est une fonction transverse qui est au service de toutes les autres directions métier, qui s’occupent de la voirie, de l’environnement, de l’énergie, de l’eau, etc. Ils ont en charge d’établir ces référentiels géographiques et de les maintenir pour qu’ils soient à jour, disponibles et utilisables par l’ensemble des services de la collectivité, de manière unitaire ou croisée comme dans l’exemple précédent.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.