Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine Le Brun, vous êtes experte en territoires intelligents au sein du groupe Onepoint. Aujourd’hui nous allons parler d’un nouveau type de signalisation dédié aux pistes cyclables, actuellement en test à Berlin.
C’est exact. Dans de nombreuses villes, après avoir fortement encouragé la mobilité douce, on constate maintenant un engorgement des pistes cyclables, en particulier aux heures de pointe. On constate aussi, de la part de certains cyclistes, des comportements qui pourraient rappeler celui de certains automobilistes, ces automobilistes que les mêmes cyclistes n’hésitent pas à critiquer, si vous voyez ce que je veux dire…
Vous voulez parler de ceux qui foncent et zigzaguent pour se faufiler dans les interstices et gagner les quelques places qui leur permettront de passer en tête au prochain feu ? Je vois bien oui…
Et voilà, exactement. Au-delà de la tendance qu’ont certains de jouer les Pogacar, c’est vrai que les stop & go en vélo sont fatigants, et qu’on peut, en effet, être tenté de les éviter à tout prix. Il vous est surement arrivé, Laurence, et à moi aussi, de pédaler à toute vitesse vers un feu vert pour finalement vous voir stoppée net parce qu’il vient de passer au rouge, juste au moment où vous l’atteignez ? Ça sent le vécu, non ? Cette situation engendre des freinages soudains, voire des infractions et donc nuit à la fluidité du trafic, ainsi qu’à la sécurité des cyclistes.
Et donc il existerait un système pour tenter de contrer ce phénomène ? Comment comptent-ils s’y prendre ?
Et bien, à Berlin, je suppose qu’ils ont fait un peu d’étude comportementale du cycliste lambda et qu’ils l’ont analysé comme ceci : supposons que je suis une cycliste sur une ligne droite. Au loin j’aperçois un feu vert, vous visualisez la situation Laurence, vous y êtes ?... Je continue… J’ai l’espoir que ce feu ne passe pas au rouge tout de suite. Mais en fait je n’en sais rien, et j’essaye donc de le rejoindre au plus vite. Si j’avais ne serait-ce qu’une notion de mes chances d’y arriver, je pourrai adapter mon comportement en conséquence. En l’occurrence, continuer sur ma lancée si je suis confiante ; ou alors ralentir si c’est peine perdue et que je me fatigue pour rien. Et bien c’est exactement cette information manquante qu’une nouvelle signalisation va tenter de donner, pour faciliter cette prise de décision.
C’est intéressant en effet, et donc qu’est ce qui a été imaginé ?
Le projet s’appelle VeloFlow. Alors, comme on est à la radio et que je ne peux pas montrer de photo ou faire un dessin, il faut continuer à imaginer la scène. A peu près 200m avant le croisement, on installe un nouvel affichage qui indique aux cyclistes, en temps réel, s’ils atteindront le prochain feu de circulation au vert ou au rouge, en prenant l’hypothèse qu’ils roulent à 20km/h. Une vitesse raisonnable pour un cycliste moyen sur un axe roulant. Cela peut permettre d’avancer confiant si tout est au vert, ou dans le cas contraire de lever le pied de la pédale, d’éviter de la fatigue, de la frustration, et donc de contribuer à apaiser le trafic.
Et d’un point de vue technique, est ce que c’est quelque chose de facile à implémenter ?
Cela dépend de l’infrastructure de signalisation existante. A Berlin, les feux sont équipés d’unités numériques qui contiennent l’information sur le timing de l’alternance entre les phases rouge et vert. Elles ont la capacité de communiquer cette information aux panneaux VeloFlow via un réseau sans fil. C’est cette datation précise qui permet ensuite à ces panneaux situés en amont de calculer et d’afficher en temps réel l’état dans lequel sera le feu, au moment où le cycliste est supposé arriver dessus.
Est-ce qu’on a déjà quelques résultats ?
Le système a déjà été testé à Münster, avec des retours comme quoi les cyclistes y gagnent en confort, grâce à la réduction du nombre de stop & go. Le système contribuerait également à optimiser et fluidifier les flux des cyclistes. Dans les zones où les vélos sont nombreux, c’est un argument en faveur de plus de sécurité. A Berlin, le système va être implanté en 23 points stratégiques, pour voir si l’on peut faire les mêmes constats.
C’est donc un système qui pourrait faire des petits et être généralisable ?
Oui, avec la limite technique de l’infrastructure citée ci-dessus. De plus le coût de l’installation, sans être excessif, n’est pas pour autant négligeable, environ 3000 euros par unité. L’adoption pourrait donc être limitée dans les plus petites villes avec moins de moyens. Et même dans les grandes, on pourrait la réserver aux grands axes les plus problématiques. Ce qui fait sens aussi ; c’est une question de planification, de priorisation et d’implantation de la techno là où le bénéfice sera optimal.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.