Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde
Que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Tout d’abord un souvenir. J’étais enfant lorsque j’ai entendu parler pour la toute première fois de féminicide. Je ne me rappelle pas le jour, l’heure ni la chaîne de télévision où cette information s’est présentée à moi. Toutefois, je me rappelle très distinctement de l’impression qu’elle a laissé dans mon esprit : de l’inquiétude, de la crainte et de la résignation.
Qu’avez-vous fait à ce moment-là ?
Je suis allée voir mes parents, et innocemment comme tout jeune enfant de 8/9 ans, je leur ai posé une question.
Laquelle ?
« Si plus tard mon mari me frappe, vous ferez quoi » ?
Vous savez, quand ce souvenir m’est apparu, je me suis demandé combien de petites filles ont pensé à cette question. Combien d’entre elles l’ont formulé à voix haute ? Je me suis demandé quels âges avaient-elles ? Où habitaient-elles ? Et surtout, surtout, je me suis demandé comment une enfant de cet âge pouvait penser à un féminicide.
Nous avons parlé la dernière fois de la législation française. Mais, existe-t-il un ou des États membres qui possèdent une législation au sujet des féminicides en Europe ?
Effectivement, ils sont au nombre de 3.
L'Italie, la Belgique et l’Espagne ? D’ailleurs cette dernière ne possède-t-il pas un budget de 748 Millions d’euros chaque année pour protéger les droits des femmes ?
Parfaitement. L’Espagne a été le premier pays européen à avoir considéré comme circonstance aggravante le genre de la victime lors d’une agression. C’est ainsi que sa loi de 2004, appelée « mesure de protection intégrale contre les violences conjugales » souhaite stopper cette recrudescence au sujet des féminicides. Depuis, on observe une baisse de 25%. Cette dernière fut complétée par la loi Pacte d’État de 2017 qui contient 290 mesures interministérielles au sujet des violences faites aux femmes comme l’intégration d’équipes de police spécialisées ou encore l’ajout de tribunaux spécialisés dans les violences de genre. D’ailleurs, elle délivre 17 fois plus d’ordonnances de protection que l’État français, sans oublier les 33% d’hébergements spécialisés supplémentaires.
Quant à l’Italie ?
Malgré sa culture et son passé juridique traditionnel et conservateur, elle s’est dotée d’une loi visant à protéger les « orphelin·es de féminicides ». Une première en Europe, et pas des moindres vous en conviendrez. Elle fut complétée par la suite d'une loi, nommée « Code rouge », qui contraint à recueillir les informations nécessaires auprès des victimes, afin de décider de la procédure à suivre par les forces de l’ordre, dans les trois jours suivant le signalement des faits.
Et la Belgique ? N’a-t-elle pas adopté récemment une loi-cadre à ce sujet ?
En effet, fin novembre, la Belgique a adopté la loi « sur la prévention et la lutte contre les féminicides, les homicides basés sur le genre et les violences qui les précèdent ». Il s’agit d’un véritable pas pour toutes les européennes puisque cette dernière définit officiellement le féminicide.
Tout d’abord, il y a le féminicide qualifié d’intime commis généralement par un compagnon ou un ex-compagnon. On le différencie du féminicide non-intime qui est commis sur une victime qui n’a pas de lien avec l’auteur. Puis, il y a le féminicide indirect qui est commis à la suite d’un évènement tel que l’avortement forcé. Et enfin, l’homicide fondé sur le genre : commis sur une personne transsexuelle par exemple.
Cette nouvelle loi propose-t-elle de meilleurs moyens de protection des victimes ?
Tout à fait. Donner de nouveaux moyens aux victimes est le mot d’ordre de cette nouvelle loi belge. Elle prévoit ainsi la publication d’un rapport annuel permettant de comptabiliser les féminicides tout en recueillant des données sur les auteurs ainsi que les victimes. Par ce biais, un comité interdisciplinaire pourra formuler des recommandations afin d’améliorer la protection des femmes belges. Sans omettre, le droit de choisir d’être interrogées par un homme ou une femme, et notamment par une personne formée sur les violences sexistes et sexuelles.
Ces législations représentent un véritable message d’espoir, alors pourquoi avoir parlé de résignation.
Alors que des lois existent et sont censées nous protéger, nos filles, vos filles, se questionnent sur leurs sécurités quand elles s’imaginent mariées. Alors certes, l’Espagne, l’Italie et la Belgique ont légiféré, mais quid des 24 autres ? Quid de l’Union Européenne ? Ne peut-on pas suivre l’exemple de ces pays, et légiférer pour que toutes les femmes européennes soient protégées, qu’importe leurs lieux de résidence ?
Un mot pour la fin ?
Combien ?
Combien de femmes ? Combien de meurtres ? Combien de victimes ? Combien de lois ? Combien d’exemples ? Combien de vies ? Combien de souffles ?
Combien, pour vous voir réagir ?
Entretien réalisé par Laurence Aubron.